Les pays émergents veulent se faire entendre

Publié le par Jihad WACHILL

Ils redoutent de faire les frais de la crise de Wall Street. Pékin, qui détient les plus grandes réserves de change en dollars, reste prudent.

Il est particulièrement injuste que les nations pauvres aient à « payer pour l’irresponsabilité de spéculateurs qui ont transformé le monde en gigantesque casino », a tonné Lula, le président brésilien, lors du sommet de mercredi à Delhi qui rassemblait l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud. Les déclarations des dirigeants des trois pays émergents ont exprimé colère et inquiétude. Le nouveau chef d’État sud-africain, Kgalema Motlanthe, a prôné « la plus grande prudence face aux solutions toutes faites que prescrivent les pays développés au monde en développement », tandis que le premier ministre indien, Manmohan Singh, en a profité pour revendiquer un rôle accru dans les instances internationales ; allusion voilée au G7 du week-end qui a laissé à la porte des débats la Chine, la Russie, le Brésil ou l’Inde.

En Inde, dont l’ouverture à la mondialisation s’est accélérée ces dernières années, la banque centrale a décidé l’injection de 8,25 milliards de dollars dans le système financier du pays alors que s’annoncent les premières grandes vagues de licenciements. Le sommet de Delhi peut-il initier un renforcement des blocs dans la défense de leurs intérêts ? Tenant compte que l’Asie de l’Est détient les plus importantes réserves au monde en devises étrangères, le président sud-coréen, Lee Myung-bak, a proposé de discuter la tenue d’un sommet avec ses homologues japonais et chinois.

Tandis que Tokyo cherche des solutions dans le cadre du G7, Pékin s’y est dit favorable mais sans donner d’accord officiel, assise sur la plus grosse réserve de change dans le monde, entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars selon différentes sources, la Chine reste prudente. Si elle estime que la « communauté internationale doit s’unir pour gérer la crise financière », elle rappelle par la voix de son premier ministre que « la plus grande contribution pour le monde de la part d’un pays de 1,3 milliard d’habitants, c’est de maintenir une croissance stable et rapide sur le long terme ». Ce que les observateurs ont traduit en substance par une non-intention de Pékin d’investir en masse à Wall Street. Une position que l’on peut retrouver dans la presse chinoise sous l’interrogation : « Qui éponge en effet les dettes américaines depuis quelques décennies ? »

Pour certains analystes, les réserves financières colossales de la Chine et son détachement du système financier international - Pékin contrôle toujours la majorité des mouvements de capitaux - limitent les risques. Mais les nuages n’en sont pas moins sombres : les exportations qui ont tiré la croissance chinoise vont êtres revues à la baisse et les flux d’investissements internationaux vers la Chine ralentissent. Les autorités mettent en place une politique monétaire et fiscale destinée à soutenir l’activité économique et développer le marché intérieur. Mais cela prendra du temps même si les banques ont pour ordre d’allouer plus de crédit au secteur privé, dont bénéficierait en sous main un secteur immobilier en plein essoufflement. Les municipalités se sont mises à l’encourager, à coups de subventions ou en augmentant les plafonds d’emprunt, afin de repousser le spectre d’une crise à l’américaine.

Dominique BARI dans l'Humanité du 17 octobre 2008

Publié dans International

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