SARKOZY met l’État au service du capitalisme

Publié le par Jihad WACHILL

Économie : Alors que la récession s’installe, Nicolas Sarkozy s’est livré à Argonay à un plaidoyer de ses réformes libérales. Les mesures qu’il a annoncées amplifient la politique qu’il mène : rien pour les salariés et les victimes de la crise, tout pour la finance.

Le président de la République était hier à Argonay (Haute-Savoie) pour annoncer des mesures de « soutien à l’économie ». Un mois après le discours sur la crise, prononcé à Toulon, Nicolas Sarkozy devait, hier, confronter ses arguments à l’épreuve des faits « La crise est déjà là. Nous ne savons pas qu’elle en sera la durée, qu’elle en sera la profondeur mais nous savons que le ralentissement de l’activité a déjà commencé et qu’il va se poursuivre », a dû admettre le chef de l’État. Le vernis de volontarisme qui recouvre les discours du président de la République se heurte désormais au renoncement face à l’ambition affichée d’une « refondation du capitalisme ». Si l’on en juge par le contenu des mesures annoncées, on assiste plutôt à une tentative de sauvetage en catastrophe, par l’État, du système économique libéral.

Retour aux vieilles recettes

Revendiquant son pragmatisme, Nicolas Sarkozy cède pourtant au dogmatisme droitier le plus galvaudé, n’envisageant une relance de l’économie qu’au travers de l’aide aux entreprises. Alors que l’État débourse 60 milliards d’euros par an en aides publiques, sans véritable efficacité, le chef de l’État promet désormais une « exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements », et ce jusqu’à la fin de l’année 2010. Un « soutien à l’investissement productif » qui pose le risque de priver de moyens les collectivités locales dont c’est la principale recette et qui sont précisément les premiers investisseurs du pays (lire ci-contre).

Seconde mesure « phare », la création d’un fonds souverain, renommé pour la circonstance « fonds stratégique d’investissement », censé favoriser l’apport en capitaux aux entreprises privées (voir page 3). Un fonds doté de moyens que l’État ira lui-même chercher sur les marchés financiers pour rentrer au capital des entreprises, alimentant une spéculation qu’il feint lui-même de combattre. Pas un mot sur le contrôle des fonds publics, encore moins sur les critères qui fonderaient la puissance publique à apporter son aide. Soit une garantie zéro sur l’emploi, la formation et la rémunération des salariés.

La « vérité » comme argument politique

Le devoir de « vérité » que Nicolas Sarkozy entend s’imposer à l’égard des Français prend un drôle de chemin. Les prévisionnistes tablent sur une croissance aux alentours de 0,5 % sur l’année 2009 et le gouvernement lui-même admet que son chiffre de 1 % sur la période est surévalué. « La croissance, nul ne peut dire aujourd’hui ce qu’elle sera », plaide le chef de l’État pour masquer l’insincérité de ses prévisions budgétaires et surtout l’ampleur de l’austérité qui attend les Français. Et Nicolas Sarkozy passe facilement du mensonge au cynisme lorsqu’il reprend à son compte l’idée d’une « sécurité sociale professionnelle » défendue par la gauche, pendant que l’ensemble du dispositif pour l’emploi qu’il instaure vise à précariser le travail au nom d’une illusoire liberté individuelle qui devait permettre de travailler plus gagner plus.

La crainte d’une révolte populaire

« Nous n’avons pas le droit d’échouer sinon nous risquons d’être confrontés partout à la révolte des classes populaires et des classes moyennes », a lâché en forme d’aveu le chef de l’État. Car c’est ici que semble se situer le noeud du problème. Comment maintenir à flot un système qui génère un sentiment d’injustice de plus en plus flagrant ? Ici, les clivages idéologiques sont déterminants. Ils expliquent le refus catégorique de la droite de proposer une relance de l’économie par l’augmentation des salaires. « Si nous voulons soutenir la consommation, nous ne devons pas le faire en favorisant les importations ou en distribuant du pouvoir d’achat qui n’existe pas. Nous devons le faire par la baisse des prix », a martelé l’hôte de l’Élysée. Le discrédit patent des dogmes de la Banque centrale européenne (BCE) ne lui offre plus même l’argument erroné d’un risque inflationniste en cas de revalorisation salariale. C’est à l’aune de ces options idéologiques libérales qu’il faut sans doute décrypter le « volontarisme » politique de Nicolas Sarkozy, déposé comme un voile sur une conviction beaucoup plus profonde : « Le système capitaliste libéral ne doit pas être remis en cause. » « Il ne faudra pas étouffer l’initiative, l’audace, le goût du risque », a-t-il prévenu. Les traders peuvent dormir tranquilles.

Le retour de l’État, pour faire quoi ?

En janvier dernier, devant un parterre de journalistes, Nicolas Sarkozy avait décrété l’impuissance de l’État arguant que les caisses étaient vides pour justifier d’un même coup les réductions d’effectifs dans la fonction publique et ses difficultés à résoudre le problème du pouvoir d’achat de ses concitoyens. La mobilisation historique de fonds publics à laquelle nous assistons depuis le début de la crise ne devrait rien changer au raisonnement « il nous faut plus de souplesse, plus de réactivité, plus de capacité d’innovation. C’est tout le sens des réformes engagées pour améliorer l’efficacité de nos services publics, pour réduire les effectifs de la fonction publique », a lancé Nicolas Sarkozy. Le retour de l’État, qu’il juge indispensable, doit être passager, mais surtout se limiter à venir en aide au secteur bancaire et, dans une moindre mesure, aux entreprises. Les employés de la fonction publique et le monde du travail dans son ensemble sont les grands exclus de l’État providence version Sarkozy.

Frédéric DURAND dans l'Humanité du 24 octobre 2008

Publié dans France - Eco-Social

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