Large victoire de la Ligue Awami au Bangladesh

Publié le par Jihad WACHILL

Dhaka : La forte avance du parti de Hasina WAJED est un atout de stabilisation. Reste à redresser l’économie et à réinstaurer démocratie et laïcité.


C’est une écrasante victoire qu’a connue hier la Ligue Awami (LA) de l’ancienne première ministre Cheikh Hasina Wajed, en emportant 75 % des sièges de l’Assemblée bangladaise. Lundi, plus de 80 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour élire 300 députés et leur mobilisation, forte de 70 % de participation, a bénéficié à la « grande alliance » menée par le parti laïque de centre-gauche de la Begum Hasina ; signe d’une profonde volonté de la part des Bangladais de mettre un terme à plusieurs années d’instabilités et de violences politiques, qui ont abouti à 48 mois d’un régime de transition imposé par les militaires. Le 25 décembre, l’état d’urgence a été levé et les libertés civiles rétablies pour permettre la consultation électorale quatre jours plus tard. Mais le général Moeen U. Ahmed, chef de l’armée, a fait savoir que les militaires fourniraient « un soutien au gouvernement élu comme ils l’ont fait pour l’autorité intérimaire ». Ce qui peut signifier que les nouveaux dirigeants doivent se préparer à être surveillés.


L’écart entre les deux partis rivaux, la LA et le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), dirigé par Khaleda Zia, elle aussi ex-première ministre, qui ne comptabilise que 31 élus, ne devrait pas permettre une contestation des résultats. Les observateurs internationaux ont déjà salué la bonne tenue du scrutin et les récriminations des vaincus, qui envisagent le dépôt d’une plainte auprès des autorités, ne devraient guère avoir de conséquence. Ce sont précisément des accusations de tricheries électorales qui avaient plongé le Bangladesh, à partir d’octobre 2006, dans des turbulences politiques. Les forces armées - habituées à intervenir dans le champ politique du pouvoir civil - étaient alors entrées en scène en persuadant le président de la République, Iajuddin Ahmed, d’imposer l’état d’urgence le 11 janvier 2007 et d’annuler des législatives prévues 10 jours plus tard. Le gouvernement intérimaire alors désigné a mené en deux ans une grande purge anti-corruption en interrogeant 10 000 personnes et en emprisonnant 150 ex-ministres, hom- mes d’affaires et hauts fonctionnaires. Treize millions d’électeurs « fantômes » auraient aussi été nettoyés des listes électorales.


Outre assurer le retour à la démocratie, la nouvelle équipe dirigeante aura à faire face à une économie nationale en lambeaux. Environ la moitié des 140 millions de Bangladais vivent en dessous du seuil de pauvreté et 20 % de la population totale est considérée comme « ultra-pauvre », selon le Programme alimentaire mon- dial (PAM). Au cours des six derniers mois, le prix des denrées alimentaires de base, en particulier celui du riz, a augmenté de plus de 70 % dans certaines localités. L’inflation atteint des niveaux jamais vus depuis vingt ans, avec un taux supérieur à 11 %. Au printemps dernier, les émeutes de la faim ont éclaté et les chefs militaires se sont efforcés de calmer l’opinion publique en niant l’imminence d’une crise alimentaire, mais sans pour autant remplir les magasins vides. Dans le même temps, la police avait réussi à étouffer par la force les revendications salariales des ouvriers de l’industrie textile, essentiellement tournée vers l’exportation.

Autre tâche de poids pour ouvrir la voie à une réelle démocratisation : le retour à la laïcité. Dans cet État à majorité musulmane mais qui revendique son identité laïque, l’islam politique avait trouvé un écho favorable auprès de Khaleda Zia. Cette dernière avait ouvert les portes de son gouvernement en 2001 aux partis islamistes Jatyo et Jamaat-e-islami afin de conforter son pouvoir contre la Ligue. Une décision qui venait après la révision de la Constitution laïque de 1972, base de l’unité du pays, et qui garantissait la séparation de la religion et de l’État. Situation remise en question en 1988 et qui a permis aux islamistes de marquer des points dans le pays avec un certain nombre de manoeuvres, d’attentats, d’intimidations contre des minorités, des journalistes, des militants politiques… Ce qu’a dénoncé longtemps la Ligue Awami.

Dominique BARI dans l'Humanité du 31 décembre 2008

Publié dans Asie

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