Interview de Daniel VOGUET, de retour de Gaza

Publié le par Jihad WACHILL

Avocat au barreau de Paris, Daniel VOGUET a fait partie de la délégation pluraliste qui s’est rendue dans la bande de Gaza du 19 au 23 janvier.


Comment qualifier les crimes dont Israël s’est rendu coupable dans la bande de Gaza ?


Daniel Voguet.
Nous avons découvert une zone totalement dévastée. Toutes les - habitations, les exploitations agricoles, etc., ont été détruites. Des témoignages, pour l’instant non vérifiés, font état de personnes qui auraient été exécutées sommairement. Des armes interdites contre les populations civiles, notamment au phosphore, ont été utilisées. S’agissant du bilan humain, l’immense majorité des morts et des blessés est constituée par des habitants qui ne participaient pas au combat, en particulier des femmes et des enfants. Les combattants ne représentent qu’une partie infime des victimes. L’objectif affirmé par Israël de détruire le Hamas n’est donc pas atteint ni même crédible. C’est la population qui était visée. Tout ceci constitue un crime de guerre. Voire un crime contre l’humanité, s’agissant des exécutions sommaires, si elles étaient prouvées. Le gouvernement et l’armée israélienne sont responsables et doivent être jugés. Mettre un terme à l’impunité dont jouit Israël depuis des décennies est une nécessité politique si la communauté internationale veut retrouver sa crédibilité.


Comment peut-on poursuivre Israël ?

Daniel Voguet. Actuellement, l’obstacle est de nature politique. Dans la mesure où les cadres légaux semblent manquer, ces poursuites - dépendent de l’ONU, et en particulier des membres du Conseil de sécurité, qui doivent se doter des moyens juridiques de juger Israël. Ce pays n’ayant pas ratifié le traité instituant la Cour pénale internationale, il faut, pour poursuivre les responsables devant cette cour, une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, et la France, pays des droits de l’homme, se doit de la présenter. Dans un premier temps, elle doit également demander une enquête impartiale ainsi que le souhaitent les représentants de l’ONU sur place. Car la décision d’Israël de procéder à sa propre enquête ne peut être satisfaisante et impartiale, évidemment.


Un autre outil juridique évoqué est celui de la compétence universelle.


Daniel Voguet.
Oui, cette compétence consiste à pouvoir juger, dans un autre pays que le sien, une personne qui a commis un crime à l’étranger. Chaque pays peut le faire quand les règles de procédure nationale le permettent. C’est le cas par exemple en Grande-Bretagne et en Espagne, où cela a déjà été fait à plusieurs reprises. En France, les règles de procédure actuelles ne - permettent pas de juger des étrangers présumés coupables de crimes commis à l’étranger sauf pour ceux ayant la double nationalité. Or, il semblerait que des Israéliens présumés coupables de crimes de guerre aient la nationalité française. Le ministre de la Justice devrait donc demander au parquet d’enquêter.


La délégation, coordonnée par le cinéaste Samir Abdallah, comprenait notamment Jacques Fath, responsable des relations internationales du PCF, Alima Boumediene-Thiery, sénatrice (Verts), Mireille Mendes France (juriste)…


Entretien réalisé par Charlotte BOZONNET de parus dans l'Humanité du 26 janvier 2009

Publié dans Machreck et Maghreb

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