Christiane TAUBIRA : « La Constitution ne peux pas faire l’objet de marchandages »

Publié le par Jihad WACHILL

À contre courant de la position adoptée par sa famille politique, Christiane TAUBIRA, députée (PRG) de la Guyane, a voté contre la révision constitutionnelle au Congrès.

Favorable à une 6ème République, vous êtes opposée à cette réforme constitutionnelle. Pourquoi ?


Christiane Taubira. Pour des raisons politiques et pour des raisons juridiques. C’est une question d’éthique politique : dans une démocratie, on a besoin de la pluralité des opinions, d’une opposition qui assume le fait d’avoir une autre vision de la société, y compris sur les institutions. On affaiblit la démocratie en cherchant constamment des conciliations impossibles. Il ne s’agit pas de s’opposer pour s’opposer. Mais la Constitution est un enjeu profondément politique. Il s’agit de la loi fondamentale, qui organise la vie en commun. Il n’y a rien de plus politique que l’élaboration des bases mêmes de la vie en société. C’est cela la Constitution. Ce n’est pas une question « technique ».

En quoi cette réforme déséquilibre-t-elle les pouvoirs au seul profit du président de la République ?

Christiane Taubira. Nous avons un exécutif dyarchique. Or les maigres pouvoirs transférés au Parlement ont davantage été pris au chef du gouvernement qu’au président. Il ne s’agit donc pas d’un rééquilibrage entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Nous sommes aujourd’hui dans un système ambigu, ni parlementaire, ni présidentiel. Incontestablement, il fallait trancher. Mais cette réforme tranche nettement en faveur d’un régime présidentiel. Le président se donne ici plus de pouvoirs. Il donne aussi plus de pouvoir à sa « base », puisque le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale jouira de prérogatives qui incombaient jusqu’ici au Premier ministre. La France étant une démocratie, on peut rêver d’alternance. Un président de gauche et une majorité de gauche disposeraient donc de ces pouvoirs. Mais je ne suis pas sûre de vouloir vivre dans une démocratie comme celle là.

Comment jugez-vous les dernières « offres » de Nicolas Sarkozy pour tenter d’arracher un vote positif au Congrès ?


Christiane Taubira. Sur la loi fondamentale, je veux qu’on me convainque, je ne veux pas qu’on m’achète. Mais les socialistes, avec leurs atermoiements et leurs divisions, n’ont pas été exemplaires non plus. En tant que parlementaire, on peut se battre pour améliorer un texte. Mais je n’accepte pas, en politique, les petits marchandages qui finissent par écrêter mes idéaux. En ce qui me concerne, j’estime depuis le début que ce texte, même amendé, n’est pas acceptable. Il contient certes quelques avancées, mais il entérine des blocages très lourds. On ne peut pas approuver la constitutionnalisation d’un mode de scrutin qui interdit toute alternance au Sénat depuis sa création. Ce texte ne garantit en rien le pluralisme de la presse, mis à mal comme jamais par la mainmise de grands groupes économiques. Le droit de vote des étrangers aux élections locales comme l’interdiction du cumul des mandats ont été écartés. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas approuver ce texte.

Le PRG, auquel vous appartenez, soutient cette réforme…


Christiane Taubira. Je ne fais pas entendre une voix dissonante pour me rendre intéressante, je défends simplement le point de vue auquel je crois. Ce n’est pas une position facile. Je ne jette pas la pierre à certains radicaux, sincèrement favorables à cette réforme. Ceux-là jugent, depuis le début, qu’elle constitue une avancée démocratique. Ce n’est pas mon avis. Pour le reste, les radicaux ont obtenu un engagement sur l’abaissement du nombre de députés pour constituer un groupe parlementaire. Il n’y a rien de scandaleux à cela : l’expression de tous les courants de pensée est indispensable à la démocratie. Mais j’estime simplement qu’une telle disposition ne doit pas relever d’un débat sur la loi fondamentale. Ce qui est inacceptable à mes yeux, c’est que l’on conduise ce genre de négociations alors que c’est la Constitution qui est en discussion.

Entretien réalisée par Rosa MOUSSAOUI pour l'Humanité

Publié dans France - Politique-PCF

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