Réforme des institutions : Des pressions indignes sur les parlementaires

Publié le par Jihad WACHILL

L’Élysée a exercé un chantage direct sur les élus récalcitrants pour les faire changer d’avis. Des méthodes inédites dénoncées à droite comme à gauche.

Les brigands des pièces de Brecht n’auraient pas fait mieux. Dans la dernière ligne droite, le camp présidentiel n’a reculé devant aucune manoeuvre de basse politique pour arracher les voix nécessaires à l’adoption de la réforme constitutionnelle. Promesses, chantages, menaces… Rien n’aura été épargné pour remettre les récalcitrants dans le droit chemin. Avec une implication personnelle du chef de l’État lui-même, qui a multiplié jusqu’au bout les entretiens, même avec les parlementaires jugés « irrécupérables ». D’où ces ralliements de dernière minute brandis comme des trophées à la veille du vote. D’abord celui de Bernard Debré, fils du rédacteur de la Constitution de la Ve République. Ensuite, dans le camp des amis de Dominique de Villepin, ceux d’Hervé Mariton, député de la Drôme, et de Georges Tron, député de l’Essonne, farouches opposants au texte il y a encore quelques jours.

Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, a même appelé Jacques Chirac pour lui demander de rappeler ses fidèles à l’ordre, invitation déclinée par l’ancien chef de l’État. Depuis Marrakech où il passait le week-end, Nicolas Sarkozy a multiplié les coups de fil. « Le président m’a appelé vendredi, mais sans faire de pression sur moi. Il m’a également reçu. Il a demandé à me revoir, mais je n’étais pas libre », a rapporté le souverainiste Jacques Myard, qui ne s’est pas laissé convaincre. Mais cette courtoisie n’a pas prévalu, loin s’en faut, dans toutes les tractations, notamment celles conduites par Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, et Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement.

Le président du MPF, Philippe de Villiers, a dénoncé vendredi des « méthodes » relevant selon lui « de la menace, du chantage et de la tentative d’achat ». Méthodes dénoncées jusque dans les rangs de l’UMP. L’ancien ministre chiraquien Henri Cuq ne mâche pas ses mots : « Il y a des débauchages et des médiocrités dont on avait perdu l’habitude, témoigne-t-il. On nous dit qu’il faut revaloriser le Parlement, or on fait des pressions inacceptables. Des députés ont été convaincus de changer de vote en étant achetés ou contre la promesse d’un maroquin. » Autre menace brandie par les Tontons flingueurs de l’UMP : celle du redécoupage électoral. « On m’a appelé pour me dire : "Ne t’inquiète pas, Marleix (secrétaire d’État aux Collectivités territoriales et responsable des élections à l’UMP, chargé du redécoupage - NDLR) va s’arranger pour ta circonscription…" », a confié un député UMP soumis selon ses termes « à une pression d’enfer ». Une démarche digne de « marchands de paillassons », s’est insurgé le président du Mouvement démocrate, François Bayrou.

Vilipendée par des communiqués de l’UMP au ton fort peu républicain, la gauche s’est elle aussi indignée de ces façons de faire qui n’épargnent pas certains parlementaires PS et PRG susceptibles de basculer. Après les débauchages au PRG, dont l’ancien patron, Jean-François Hory, a été opportunément nommé au Conseil d’État, c’est Jack Lang (PS) qui a annoncé, hier, son ralliement définitif au camp du « oui ». Contre la promesse d’être nommé au poste de « défenseur des droits » créé par la réforme, grincent ses camarades en dépit des dénégations de l’intéressé. « Pas très glorieux », a commenté Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés PS, en faisant état de « pressions individuelles de toutes sortes » sur « quelques députés de gauche ».

Il y a quelques jours, le député (UMP) de l’Héraut Jean-Pierre Grand prédisait à propos de cette réforme « des désordres programmés dans le fonctionnement des institutions » et le retour à certains aspects de la IVe République « dans ses délices les plus obscurs ». C’est, semble-t-il, déjà chose faite.

Rosa MOUSSAOUI dans l'Humanité du 22 juillet 2008

Publié dans France - Politique-PCF

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