RESF interpelle la gauche

Publié le par Jihad WACHILL

Expulsions : Le réseau s’inquiète d’une radicalisation de la politique du gouvernement et demande aux partis de gauche des « engagements fermes ».

« Il y a le feu ! », alerte Richard Moyon. « On ne va pas passer nos vies à empêcher des expulsions. Il est urgent de trouver une riposte politique. Les partis de gauche doivent prendre des engagements fermes et précis. » Le Réseau Éducation sans frontières (RESF) a saisi l’occasion de sa conférence de rentrée pour interpeller les politiques. Présents, le PCF et le PS ont assuré le réseau de leur soutien. « RESF sauve notre conscience collective, affirme le socialiste Mehdi Ouraoui. C’est confortable pour les partis de gauche de se reposer sur eux. mais nous devons nous engager dans un programme de gouvernement clair si nous revenons au pouvoir. » Pour la sénatrice communiste Nicole Borvo, « il faut élargir à gauche, sans tergiversations, pour mener cette bataille de ripostes et de défense ».

L’urgence, c’est d’éviter chaque jour de nouvelles expulsions dans un contexte de « radicalisation » de la politique d’immigration du gouvernement. « Nous sommes face à un raidissement des pouvoirs publics », prévient Richard Moyon, rappelant que « l’été a été marqué par une série d’affaires dramatiques ». Si des expulsions ont pu être évitées grâce à la mobilisation (comme celle pour Dan Jin, lycéenne à La Courneuve), d’autres n’ont pu être empêchées.

Ainsi, Taoufik El Madrous- si, vingt et un ans, était-il, y a encore quelques semaines, un lycéen lambda en terminale bac pro mécanique automobile du lycée Louis-Girard à Malakoff (Hauts-de-Seine). Depuis le 21 août, il est chômeur au Maroc. « Je ne veux qu’une seule chose : revenir en France pour passer mon bac, assure Taoufik, joint par téléphone à Nador, ville du nord du Maroc où il séjourne. Ici, je n’ai personne. Quand je pense que les cours à Louis-Girard ont repris, ça me rend très triste. »

Christian Kabengele, trente-trois ans, marié à une Française, père d’un petit garçon de trois ans, a lui été expulsé le 31 juillet vers la République démocratique du Congo (RDC). « Son enfant est rentré en maternelle il y a quelques jours, il aurait tellement aimé voir ça », raconte sa compagne Marie-France, très émue. Le jour de son expulsion, il recevait une lettre de la préfecture pour un réexamen de son dossier, en vue d’une possible régularisation. À l’heure où Marie-France ouvrait cette lettre, Christian était déjà à Kinshasa. Quant à Abdelkarim Said Bel Hadj, lycéen de vingt-deux ans, il est retenu depuis le 21 août au centre de rétention du Mesnil-Amelot. « On devait se marier le 20 septembre, signale sa compagne Hélène. Son père vit en France depuis trente-cinq ans. »

Autant d’histoires qui témoignent des drames humains générés par la « politique du chiffre ». D’autant plus que pour atteindre les quotas d’expulsions, les moyens mis en oeuvre se multiplient : rafles sur les chantiers, les ateliers ou dans la rue, arrestations à domicile et même au sein des administrations… « On nous a confirmé une nouvelle arrestation en préfecture, dans le Val-d’Oise », révèle Jean-Michel Delarbre, du RESF 93.

Radicalisation aussi des pressions exercées à l’encontre de ceux qui seraient considérés comme trop proches des sans-papiers. Outre la Cimade qui est en train de se voir retirer sa mission de service public d’aide juridique auprès des étrangers dans les centres de rétention, Jean-Michel Delarbre a annoncé la « mise sous surveillance » des juges des libertés et de la détention (JLD) au tribunal de Bobigny : « Le parquet sera présent à chaque audience du JLD. Il s’agit clairement de limiter le nombre de remises en liberté. » Et les militants RESF de conclure : « Ce n’est pas Guantanamo, mais on s’en approche. »

Marie BARBIER dans l'Humanité du 11 septembre 2008
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