Le mouvement HLM conteste la loi Boutin

Publié le par Jihad WACHILL

Logement social : Le 69e congrès de l’Union sociale pour l’habitat affronte les vents contraires du désengagement de l’État et de mise à mal de la loi SRU.

Cannes (Alpes-Maritimes), correspondant régional.

Pour Christine Boutin, la montée des mar- ches du Palais des festivals, où se tient aujourd’hui la séance de clôture du congrès des HLM (lire l’Humanité du 23 septem- bre), pourrait s’apparenter à un chemin de croix. C’est une couronne d’épines plutôt qu’une palme d’or, que la ministre du Logement devrait recevoir à Cannes pour son projet de loi dit de « mobilisation pour le logement » présenté au Sénat dans trois semaines. En ouverture des travaux, mardi dernier, le président de l’Union sociale pour l’habitat et maire PS de Dunkerque, Michel Delebarre, avait tressé une première ronce à propos de la notion de loyer calculé en fonction du revenu : « S’il s’agissait par là de réduire le rôle des aides personnelles, nous y serions fermement opposés. »

Michel Delebarre plaçait une pique supplémentaire en disant tout le mal qu’il pensait de l’idée « boutinienne » de ponctionner de façon rétroactive les « dodus dormants », c’est-à-dire les fonds non utilisés par certains organismes HLM : « Que dirait-on si nous ne faisions pas les provisions suffisantes pour faire face aux dépenses d’entretien, aux nouvelles normes ou aux aléas comme les tempêtes ? Comment qualifierait-on une pratique qui consisterait à dépenser les dépôts de garantie des locataires ? Ce serait du détournement de fonds (…) » Plus généralement, soulignait-il, « l’objectif ne doit pas être de récupérer des ressources sur les organismes pour diminuer l’effort de l’État (…), il doit rester celui d’une incitation à faire quand on a les moyens ».

Sabotage en cours de la loi SRU

Or, actuellement, la tendance est plutôt à un retrait de l’État, plus particulièrement de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et de l’Agence nationale de rénovation urbaine, dont les subventions, pour un total de 1,3 milliard d’euros, ont été puisées directement dans le 1 % logement versé par les entreprises. Christine Boutin devra également s’expliquer sur le sabotage en cours de la loi SRU (solidarité et rénovation urbaine) qui obligeait jusqu’à présent les grandes communes à atteindre un minimum de 20 % de logements sociaux ou à payer des amendes. La ministre veut en effet promouvoir l’accession « sociale » à la propriété, ce qui ne va pas encourager - c’est un euphémisme - certains maires à réserver du foncier pour du locatif aidé. Cela dit, le mouvement HLM ne donne-t-il pas le bâton idéologique pour se faire battre en incitant certains locataires à acheter leur logement ? « Nous allons passer de 7 000 à 14 000, ce n’est pas la fin du monde ! », minimise Michel Delebarre.

Enfin, mais ce ne sera pas tout, le projet de « loi Boutin » est contesté à propos des « surloyers » et de l’exclusion, au bout de trois ans, de tout locataire qui dépasse deux fois le plafond de ressources le rendant éligible au logement social.

Inquiétudes autour du livret A

Ce projet de loi suscite d’autant plus d’inquiétudes qu’il est discuté dans un climat des plus lourds, celui de la crise financière internationale. C’est ainsi que Jean-Pierre Caroff, président des Offices publics de l’habitat, a demandé « aux pouvoirs publics d’anticiper les risques de crise grave qu’entraîneraient la restriction de crédits aux particuliers et l’aggravation des conditions de remboursement des emprunts en cours ». Il appelle également l’État « à ne pas se désengager du soutien budgétaire au logement social ». Michel Delebarre n’est pas en reste. Répondant sur ce sujet à une question de l’Humanité, il souligne : « Pour faire du logement social, nous avons besoin de capacités d’emprunt à moyen et long terme, car nous construisons pour plusieurs générations. J’ai déjà dit mon inquiétude à propos de la réforme du livret A, qui est pour nous une ressource essentielle. Dans les premiers temps, je ne crois pas à une baisse de cette ressource, car il va y avoir un phénomène d’attractivité vers les banques qui vont distribuer ces livrets A. Mais je ne souhaite vraiment pas, à l’occasion d’une nouvelle crise, aller voir le ministre des Finances pour lui dire qu’il donne trop de liquidités aux banques alors que nous en avons besoin pour cons- truire. Donc je veux que, dès à présent, on me garantisse suffisamment d’argent et à long terme pour le logement social ».

Nouveau président en décembre

C’est effectivement d’autant plus urgent et nécessaire que, si dix millions de personnes habitent aujourd’hui une HLM, quelque 1,2 million de demandes ont été enregistrées l’an dernier. Seuls 100 000 nouveaux logements ont été construits sur les 120 000 promis par le gouvernement. Un gouvernement qui, dans le même temps, entend réduire d’un milliard d’euros d’ici à 2011 l’enveloppe attribuée à la mission « Ville et logement ».

Ces vents contraires n’empêchent pas le mouvement HLM d’essayer d’aller de l’avant. Le délégué général de l’USH, Pierre Quercy, a présenté au millier de représentants des offices publics, entreprises sociales et autres sociétés coopératives d’HLM réunis à Cannes, ville hors la loi SRU, un « projet global » précisant les « actions de progrès et moyens nécessaires » à mettre en oeuvre par les organismes du logement social, l’État et les collectivités locales. Un projet qui sera porté par le nouveau président de l’Union, à choisir en décembre prochain entre deux élus socialistes, Thierry Repentin, dirigeant de la Fédération des Offices publics de l’habitat, et Marie-Noelle Lienemann, présidente de la Fédération des coopératives HLM et ex-ministre du Logement.

Philippe JEROME dans l'Humanité du 25 septembre 2008

Publié dans France - Logement

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