Leslie CAGAN : « Guerre et récession ont partie liée »

Publié le par Jihad WACHILL

Leslie Cagan, présidente de la coalition United for peace and justice, évoque l’enjeu de l’élection du point de vue du mouvement anti-guerre aux États-Unis.

Le néoconservatisme fauteur de guerre est-il au bout du rouleau ?

 Leslie Cagan. Je ressens, les militants pour la paix ressentent, le monde entier ressent un immense espoir que l’on mette un vrai terme à ces huit années de néoconservatisme. Il faut bien voir, cependant, aussi, que cette période n’est pas survenue comme une sorte d’accident de parcours. Des problèmes liés aux politiques étrangère ou intérieure des États-Unis étaient apparus bien avant la période Bush. Et surtout, si le néoconservatisme était effectivement battu électoralement ce mardi il faudrait continuer à le combattre plus résolument que jamais pour qu’il ne nous revienne pas à la figure, un jour prochain, sous une forme ou une autre.

Y a-t-il une relation entre la récession qui se dessine et les guerres conduites par l’administration Bush ?

Leslie Cagan. Oui bien sûr, car ces guerres ont coûté des centaines de milliards de dollars. Et chaque mois se rajoutent 10 à 12 milliards supplémentaires. D’où vient l’argent pour financer cela ? Cette fuite en avant belliciste n’est pas l’unique cause de cette crise - il y a aussi les problèmes du crédit, de l’immobilier. Mais c’en est une très importante. Car les guerres, mais aussi le gouffre que constitue désormais le budget militaire du pays, ont pesé très lourdement sur les épaules des citoyens ordinaires et donc sur l’économie du pays.

Quelle devrait être la première décision de politique étrangère d’un nouveau président des États-Unis ?

Leslie Cagan. Nous espérons que la première décision sera de mettre fin à la guerre en Irak et de commencer à rappeler immédiatement les troupes à la maison. Avec l’objectif de retirer toutes les troupes.

La période de seize mois annoncée par Barack Obama est-elle à votre avis trop longue ?

Leslie Cagan. Il faudrait au moins diminuer cette période de moitié. D’abord bien sûr parce que la guerre est une grande dévoreuse de vies humaines américaines et surtout irakiennes. Mais aussi pour des raisons financières. Un départ sur huit mois au lieu de seize permettrait à lui seul d’économiser 160 milliards de dollars. Dans cette période où l’on cherche par tous les moyens à soutenir l’économie défaillante, n’est ce pas aussi la voie de la raison ?

Quelle place garde le rejet de la guerre en Irak dans une opinion taraudée désormais par la crise économique ?


Leslie Cagan. Le dossier a été rétrogradé au second plan mais il est toujours à fleur de peau dans l’opinion. Car il y a maintenant plus de 4 000 soldats américains morts, des dizaines de milliers de blessés. Quand des jeunes militaires rentrent traumatisés à vie ou atrocement amputés, c’est une affaire qui hante leurs proches, leurs voisins pour des années, pour toute une vie. Des millions de familles vivent dans l’angoisse de recevoir un jour une annonce tragique. Ce pays, toute une génération est marquée, qu’on le veuille ou non.

L’Afghanistan n’est-il pas en train de devenir le nouveau dossier brûlant ?

Leslie Cagan. Effectivement il existe un potentiel plus fort que jamais de voir cette guerre-là s’étendre et s’approfondir. Et sur ce sujet les positions de Barack Obama ne se différencient pas franchement de celles de John McCain et nous inquiètent. Il affiche en effet la volonté de transférer de nouvelles troupes vers l’Afghanistan, en les prenant au besoin en Irak. Mais en disant que cette guerre-là serait une guerre… juste. C’est totalement faux : la même logique exactement qu’en Irak y est à l’oeuvre et le même désastre se profile.

Vos craintes sur le déclenchement d’une nouvelle guerre contre l’Iran sont-elles toujours aussi fortes ?

Leslie Cagan. Oui, il nous faut être extrêmement vigilants sur ce dossier. McCain est prêt à surenchérir sur les sanctions et envisage très ouvertement une intervention militaire. L’approche d’Obama est plus saine car plus ouverte à des négociations. Mais il n’écarte pas, lui non plus, la possibilité de frappes.

Quel nouveau rôle entend jouer le mouvement anti-guerre en cas de changement politique historique mardi ?

Leslie Cagan. Nous pourrons nous mobiliser pour qu’un terme effectif soit mis à la guerre en Irak et nous aurons l’opportunité comme jamais de faire monter la pression afin que le retour des troupes s’accélère effectivement. Par contre, l’Afghanistan constituera rapidement un nouveau défi pour le mouvement anti-guerre des États-Unis. Alors qu’il s’est jusqu’ici beaucoup focalisé sur l’Irak, il va falloir qu’il agisse vite. Car les intentions de Barack Obama, sur ce point-là, je le répète, ne sont pas franchement rassurantes.

Entretien réalisé par Bruno ODENT et paru dans l'Humanité du 3 novembre 2008

Publié dans Amérique du Nord

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