« Dialogue social dans la FP » : la FSU à la croisée des chemins entre syndicalisme de lutte et syndicalisme d’accompagnement

Publié le par Jihad WACHILL

Alors que le gouvernement Sarkozy mène au pas de charge une offensive anti-sociale sans précédent depuis 70 ans et qu'il vise la casse complète de la Fonction Publique et de l'Education Nationale, nombreux sont les militants de la FSU qui se questionnent avec angoisse sur l'attitude de leur direction nationale.

Outre la timidité malheureusement coutumière de cette direction concernant les luttes pourtant massives ou les scandaleuses annonces gouvernementales (le dernier exemple en date étant la réaction pour le moins frileuse de G. Aschiéri, en direct sur France-Info, à l'annonce par Sarkozy de la limitation du droit de grève dans l'EN au soir de la mobilisation du 15 mai), le forcing actuel de la direction de la FSU, G. Aschiéri en tête, en faveur du prétendu " dialogue social dans la FP " jette un sérieux trouble sur l'évolution de la direction FSU.

Au moment même où les mobilisations réussies se succèdent contre la casse de l'EN, auxquelles le gouvernement répond par le mépris et l'autoritarisme, la direction FSU a en effet mis tout son poids dans la balance pour obtenir du CDFN le droit de signer avec Sarkozy le " relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ".

C'est d'abord la méthode utilisée lors du CDFN des 20 et 21 mai, qui est proprement inadmissible. La direction FSU n'ayant pas eu dans un premier temps la majorité statutaire, G. Aschiéri, au lieu de s'incliner devant le vote, a annoncé qu'il allait démissionner si les choses restaient en l'état. Après les tractations habituelles entre Unité et Action et Ecole Emancipée, la direction a imité les mœurs électorales de l’Europe de Maastricht en imposant un second vote sur le même sujet, hors de l’ordre du jour ; les grands " anticapitalistes " d’EE ont annoncé un refus de vote afin que le texte soit adopté !

C'est ensuite le contenu même de l'accord qui pose problème, un accord qualifié d'"historique" par Eric Woerth, le très réactionnaire ministre du Budget et de la Fonction publique. Le texte impose en effet aux syndicats, en échange de quelques avancées (abrogation du décret Perben, représentativité basée sur l'élection), le carcan de la RGPP, de la LOLF et de la casse des statuts qui vont entraîner la destruction de pans entiers du service public et sa privatisation ; il prévoit la " consécration du champ de la négociation " sur les
" thèmes porteurs de modernisation en matière de GRH " (sic !), alors que les rapports Pochard et Silicani indiquent clairement à quelles attaques contre les statuts conduit cette pseudo-modernisation ; l'éclatement de la négociation à différents niveaux (y compris par établissement) est programmé, ainsi qu’un mécanisme triennal (et non plus annuel) pour les négociations salariales. Un second texte (disjoint et non signé par les organisations syndicales), portant sur le paritarisme, précise quant à lui que les mutations et affectations ne seront plus l’objet d’un contrôle paritaire dans les CAP.

Comment la direction de la FSU peut-elle s'associer à de tels reculs ? Quelle peut être la " lisibilité " d’une Fédération syndicale qui dénonce à juste titre la casse majeure de l’emploi et des statuts mais qui signe un texte dont l'objectif est précisément de les abattre ? De quel " dialogue social " parle-t-on au moment où Sarkozy étale sa volonté de " combattre et de battre " la FSU en général et… G. Aschiéri en particulier ? Cet accord va " dans le sens d’une plus grande légitimité syndicale ", clame la direction FSU qui feint d'ignorer qu'il s'inscrit dans le cadre d'une régression globale que combattent les enseignants en lutte. Et le contexte de cet épisode constitue bien une circonstance aggravante : alors que le gouvernement ne fait aucun mystère de ses projets dévastateurs pour l'Education Nationale et la Fonction publique ni de sa volonté de passer en force, signer un accord avec Sarkozy, c'est lui donner une bouffée d'oxygène... pour continuer à casser ensuite. D'ailleurs, la FSU qui avait assorti sa signature d'" exigences " - parmi lesquelles le renoncement du gouvernement à limiter le droit de grève - a signé sans avoir obtenu de garantie sur ces exigences ; comble de l'humiliation, le gouvernement a annoncé quelques heures plus tard qu'il allait faire voter une loi sur le droit de grève...

Cette volonté de signer à tout prix traduit le choix de la direction FSU non pas de combattre efficacement le gouvernement mais bien d'intégrer les rouages officiels du " dialogue social " afin, au mieux, de négocier quelques miettes sur fond de régression sociale sans limite. Ce choix de syndicalisme d'accompagnement, déjà au cœur de la volonté d'adhérer aux institutions du " syndicalisme " international officiel (CES et CSI), met bien évidemment les personnels et leurs luttes dans une impasse, eux qui font quotidiennement l'expérience que la régression sociale ne peut se négocier, sauf à déboucher sur des reculs sans fin.

Sous le nom de " rupture ", le pouvoir impose le plan d'ajustement structurel décidé pour la France par les maîtres du grand patronat, de l'Union européenne, du FMI et de l'OMC. Sous le nom de
" dialogue social ", il cherche à neutraliser la nécessaire riposte. Dans cette situation, il n'y a pas de troisième voie entre résistance et conciliation. Reste à bien choisir son camp. " Unité et Action ", avec la FSU, est à la croisée des chemins. Soit cette tendance, issue de la FEN-CGT et des traditions du syndicalisme de lutte, se rebelle contre l’orientation suicidaire de la direction FSU, soit elle fait montre de suivisme à l’égard de ses chefs et tôt ou tard, les militants syndicaux qui lui font confiance devront en tirer les conséquences pour se faire entendre dans la fédération.

Militants FSU " Unité et Action " initiateurs de ce texte :
René Barthes, Maurice Cukierman, Jean-François Dejours, Giovanni Di Mino, Vincent Flament, Benoit Foucambert, Georges Gastaud, Marc-Olivier Gavois, Sylvie Guduk, Emmanuelle Kraemer, Alexis Lacroix, Annie Lacroix-Riz, Pascal Rolando, Karine Van Wynendaele

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