Moscou campe sur ses positions

Publié le par Jihad WACHILL

Géorgie : Les protestations occidentales, après sa reconnaissance de l’indépendance, de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie n’ont pas entamé la détermination du Kremlin.

« Pour les Européens, il ne peut y avoir et il n’y aura de solution que fondée sur le droit, sur un dialogue incluant toutes les parties prenantes, enfin sur le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Géorgie dans ses frontières internationalement reconnues », a estimé hier Nicolas Sarkozy lors de la conférence des ambassadeurs, après avoir demandé que « les forces militaires qui ne se sont pas encore retirées sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités doivent faire mouvement sans délai ». Précisant que « le mécanisme international qui doit remplacer les patrouilles russes autour de l’Ossétie du Sud doit être déployé rapidement.

La France appelle à la retenue

« Les discussions internationales, prévues au point 6 de l’accord, sur les modalités de la sécurité et de la stabilité en Abkhazie et en Ossétie du Sud doivent s’ouvrir dès que possible », souligne le chef de l’État français qui ne ferme pas la porte à la négociation. Avant-hier, sur Europe 1, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, avait appelé à la retenue : « Ne nous précipitons pas, ne provoquons personne, c’est déjà assez provoqué d’un seul côté », assurant qu’« il va falloir vingt ans pour régler ce conflit de la Géorgie ».

Le moins qu’on puisse dire est qu’il est peu probable que le président russe, Dmitri Medvedev, fasse marche arrière. Hier, dans une lettre à George Bush, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Silvio Berlusconi, il leur a expliqué que la reconnaissance des deux régions était « l’unique possibilité », qu’elle prenait « en compte la volonté exprimée par les peuples d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, en s’en tenant aux dispositions du statut de l’ONU et à la déclaration sur les principes et le droit international concernant les relations amicales entre les États, à l’acte final d’Helsinki et aux autres documents internationaux » avant de conclure qu’il comptait sur « leur compréhension » et « leur soutien » !

Face aux protestations des capitales occidentales, Moscou n’aura aucun mal à leur retourner l’accusation de non-respect de l’intégrité territoriale de la Géorgie et de violation du droit international, en leur rappelant le précédent du Kosovo. En effet, pour le Kremlin, en reconnaissant l’indépendance du Kosovo, Washington et l’UE ont violé la résolution 1 244 du Conseil de sécurité de juin 1999 garantissant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie.

Mardi, le président russe n’a d’ailleurs pas manqué d’évoquer le cas kosovar : il a estimé que l’intervention russe était destinée « à sauver les vies des personnes » et que la Russie l’a fait « comme d’autres États l’ont fait avec le Kosovo ». Ce qui a fait dire à l’analyste Andrew Wilson du Conseil européen pour les relations extérieures à Londres qu’« au risque de voir sa force morale diminuée », l’Occident va devoir expliquer « point par point » en quoi le cas du Kosovo est différent de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie !

Le ton monte au sein de l’UE

Quoi qu’il en soit, à quatre jours de la réunion du Conseil européen de lundi, le ton monte au sein de l’UE. Les ex-sattelites de l’URSS - les pays baltes et la Pologne - et la Grande-Bretagne font pression pour que celle-ci prenne fait et cause pour la Géorgie. La France, l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays membres de l’UE, qui ont réalisé un peu tardivement que la Russie a changé et qu’il faut désormais compter avec elle, sont dans une posture plus délicate et redoutent qu’un isolement de la Russie ne complique davantage la situation.

Bernard Kouchner craint, par exemple, que l’Ukraine soit le prochain objectif de Moscou. Évoquant ce cas de figure, le Commissaire européen à l’élargissement, Olli Rehn, propose rien de moins que de soutenir l’adhésion de Kiev à l’UE ! Certes, en cas de complication, Moscou pourrait évoquer le cas de la Crimée. Ce territoire, anciennement russe, a été cédé sur décision administrative à l’Ukraine, par Nikita Krouchtchev, lui-même d’origine ukrainienne tout comme d’ailleurs son successeur à la tête de l’URSS, Nicolas Podgorny, avant qu’il ne soit remplacé par un autre ukrainien célèbre, Leonid Brejnev !

Pour l’heure, Moscou, qui campe sur ses positions, peut se satisfaire d’une première victoire : celle d’avoir écarté momentanément la menace d’une adhésion de la Géorgie, voire de l’Ukraine, à l’OTAN. Comme le faisait observer Alain Joxe dans l’Humanité de mardi, un pays en conflit ne peut postuler à une adhésion à l’Alliance atlantique.

Hassane ZERROUKY dans l'Humanité du 28 août 2008

Publié dans Europe orientale

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