Argentine : « Enfin, on va nous croire ! »

Publié le par Jihad WACHILL

Entretien avec la journaliste Marie-Monique ROBIN, dont le film Escadrons de la mort, l’école française avait provoqué une première série de procès.

Avant la condamnation ces derniers jours d’Antonio Bussi et de Luciano Menendez, la justice argentine avait déjà jugé et fortement sanctionné plusieurs autres tortionnaires de la dictature militaire. Comme ces 6 complices d’un autre sinistre général, Ramon Perez Diaz Bessone, qui dirigeait entre septembre 1975 et octobre 1976 la « Zone 2 » au nord de l’Argentine jusqu’à la frontière du Paraguay. Jugés par le tribunal de la province de Corrientes, pour privation illégale de liberté, abus de fonctions, tortures et disparitions, ils ont été, eux, condamnés au début du mois d’août à vingt-cinq ans de prison incompressibles.

Cette phase de procès et de condamnations lourdes en Argentine constitue une immense satisfaction pour la journaliste française Marie-Monique Robin, dont le film Escadrons de la mort, l’école française, traduit en espagnol et suivi d’un livre, a sans doute largement contribué au déclenchement du processus. Témoin à charge du procès des « six » complices du général Diaz Bessone, citée par l’accusation, elle nous a livré à chaud ses commentaires :²


Les révélations du livre et du film ont donc secoué l’Argentine ?

Marie-Monique Robin. À peine élu en mai 2003, le président Kirchner abrogeait les lois d’amnistie dites « du point final » (1986) et du « devoir d’obéissance » (1987). Leur ratification par la Cour suprême de l’État a été facilitée par la véritable tempête médiatique provoquée fin 2003 par l’interview que m’avait imprudemment accordée le général Diaz Bessone. Diffusée sur Canal Plus le 1er septembre 2003 en France, c’était la première fois qu’un haut responsable de la dictature admettait l’existence des « disparus » comme technique de leur guerre intérieure planifiée et programmée selon les méthodes de « renseignement » des officiers français de la bataille d’Alger.

L’influence française en Argentine a-t-elle été la pire, puis la meilleure des choses ?

Marie-Monique Robin. Ma dénonciation d’une école du crime a révélé le pire enseignement militaire français sur place en Argentine. Puis la meilleure des choses quand ces révélations ont provoqué une véritable « commotion nationale » faisant en septembre et octobre 2003 le tour des radios, des télés et de la presse écrite argentines, latino-américaines. Reprises par la presse espagnole, italienne, française, l’Humanité la publiait le 30 septembre.

Y aura-t-il maintenant une cascade de procès contre les tortionnaires argentins ?

Marie-Monique Robin. C’est probable, Diaz Bessone le premier. J’ai témoigné durant quatre heures le 9 avril dernier à Corriente mais je ne pourrai certainement pas le faire souvent. L’histoire se reconstruit par petites touches en écoutant la voix des victimes, mais aussi des bourreaux pour que le passé éclaire le présent.

Entretien réalisé par Jean LAÏLLE et paru dans l'Humanité du 1er septembre 2008

Publié dans Histoire

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