Sarkozy fait le choix de la "modération salariale"

Publié le par Jihad WACHILL

Revenus : Le projet de loi sur l’intéressement, qui sera examiné en urgence au Parlement à la rentrée, prône l’épargne salariale contre la hausse des salaires.

À chaque rentrée, Nicolas Sarkozy enfile sa casquette de président du pouvoir d’achat. Après la loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d’achat) qui découle de son slogan « travailler plus pour gagner plus », il a confié à son gouvernement le soin de pondre un projet de loi sur les revenus du travail. Le gouvernement a déclaré mercredi l’urgence sur ce projet de loi, qui sera examiné en priorité à partir du 22 septembre à l’Assemblée nationale.

Déjà annoncée en mai, lors d’un déplacement dans l’Oise, la principale mesure est simple : « Vous voulez payer moins d’impôts ? Alors vous allez donner davantage d’intéressement », avait lancé le chef de l’État aux chefs d’entreprise présents. Selon la future loi, les entreprises qui concluront un accord d’intéressement bénéficieront d’un crédit d’impôt de 20 % sur les primes versées pendant trois ans. Celles qui ont déjà un accord devront renégocier et le rendre plus avantageux, pour bénéficier cette fois d’un crédit d’impôt de 20 % qui s’appliquera au surplus distribué pendant les trois ans de l’accord. Une amélioration du pouvoir d’achat en trompe-l’oeil, d’abord parce que la prime d’intéressement dépend des performances et des résultats de l’entreprise ainsi que de la conjoncture économique. Ensuite parce qu’elle profite le plus souvent aux cadres. Aujourd’hui, 8 millions de personnes seulement en bénéficient chaque année. En outre, cette mesure participe de la volonté affirmée du président de la République et du - MEDEF de mettre au pas les salariés et de les obliger à intégrer les objectifs de rentabilité des entreprises.

Parallèlement, pour donner le change sur la question salariale, le gouvernement propose de mettre une condition à la vingtaine de milliards d’euros annuels de réduction de cotisations sociales. « Au niveau de l’entreprise, le non-respect de l’obligation légale de négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires donnerait lieu à une réduction de 10 % du montant des allègements de cotisations patronales », dit le projet de loi. Il ne faut pas se leurrer : si le gouvernement voulait véritablement augmenter les salaires, il aurait conditionné les exonérations à des hausses de salaires et non pas à la simple ouverture de négociation. Or, cette dernière n’engage en rien, puisqu’elle n’est pas assortie d’obligation de résultat.

Tant qu’existe un chômage de masse, le rapport de forces reste du côté de l’entrepreneur. On peut craindre qu’avec le retournement de la conjoncture économique, la baisse du chômage que l’on observe depuis deux ans s’arrête, voire même reparte à la hausse. Ainsi, la négociation sera encore moins favorable au salarié et les augmentations de salaires encore plus difficiles à obtenir. Cumulés, les deux articles du projet de loi seront détonants. L’un renforcera la précarité des revenus, tandis que l’autre inscrit dans la durée la modération salariale.

Clotilde MATHIEU dans l'Humanité du 1er septembre 2008

Publié dans France - Emploi

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article