L’Équateur change d’ère

Publié le par Jihad WACHILL

Constitution : La nouvelle loi fondamentale a été massivement approuvée. Le président Rafael CORREA en appelle à l’unité du pays.

Le président équatorien Rafael Correa a remporté une victoire « historique, nette » lors du référendum sur le projet de Constitution qui avait lieu dimanche. Depuis Guayaquil, où il s’exprimait peu après la fermeture des bureaux de vote, le chef de l’État a parlé de « triomphe écrasant ». Selon des sondages officiels portant sur 80 % des suffrages publiés hier par le Tribunal électoral suprême, le « oui » a obtenu 64 % et le « non », 28 %. Score sans appel suscitant dès les premiers sondages de sortie des urnes les félicitations de l’Organisation des États américains (OEA) à Correa pour « le soutien très fort » que les Équatoriens ont apporté au projet constitutionnel.

Le choix de Guayaquil pour la proclamation de la victoire n’est pas dû au hasard. Cette ville de 2,5 millions d’habitants, important port et centre économique du pays, a été le fer de lance de l’opposition conservatrice avec Jaime Nebot maire PSC (social-chrétien). Correa craignait que cette citadelle du « non » ne soit la source de tentatives de déstabilisation, à l’image de celles qu’affronte son allié Evo Morales en Bolivie. Or les résultats partiels montrent que non seulement la Constitution y a été approuvée (56 % selon les sondages), mais le « oui » l’emporte aussi dans la province de Guayas, dont Guayaquil est la capitale, infligeant ainsi un cinglant revers aux partisans du « non ». Quito, capitale du pays, a massivement voté en faveur de la Constitution.

Le patronat, la démocratie chrétienne, la plupart des médias, l’Église, le parti Société patriotique de l’ex-président Lucio Gutierrez et les notables locaux, dont Jaime Nebot, s’en étaient pris, pendant la campagne électorale, aux tares supposées qu’ils prêtent à la Constitution : étatisme, communisme, centralisme, pouvoirs accrus du président, réduction de la liberté des médias et porte ouverte à l’avortement… « Aujourd’hui l’Équateur a décidé d’être un nouveau pays, les vieilles structures ont été vaincues. C’est la confirmation de cette révolution citoyenne que nous avons offerte au peuple en 2006 », a au contraire affirmé le président, se référant à l’année de son élection. Puis il a lancé à ses opposants un appel à l’unité : « Nous leur tendons la main, pour qu’ils admettent leur défaite et que nous avancions ensemble dans une nouvelle direction, que la grande majorité du peuple équatorien et toute l’Amérique latine sont en train de montrer (…) vers une société plus juste, plus équitable, sans autant d’inégalités et de misère ».

Une ère nouvelle s’ouvre donc pour l’Équateur. La loi fondamentale du pays prend ses distances avec le néolibéralisme pour aller vers le « socialisme du XXIe siècle » fondé sur un système économique « social et solidaire », où les formes de propriétés - communautaire, publique et privée, associative, coopérative, mixte - sont sujettes à l’accomplissement d’une fonction à la fois « sociale » et liée au « milieu ambiant ». La réaffirmation du rôle de l’État passe par le droit « d’administrer, de réguler, de contrôler et de gérer les secteurs stratégiques », comme l’énergie, les télécommunications, les ressources naturelles non renouvelables, le transport et les hydrocarbures, la biodiversité et le patrimoine génétique, le spectre radioélectrique et l’eau. Ces secteurs sont pour la plupart déclarés « propriété inaliénable de l’État ». La norme constitutionnelle (deux mandats présidentiels consécutifs ou non au lieu d’un) s’appliquera dès les élections générales anticipées, prévues début 2009.

Bernard DURAUD dans l'Humanité du 30 septembre 2008

Publié dans Amérique latine

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