Septembre 1958 : la Ve République

Publié le par Jihad WACHILL

La Cinquième République a cinquante ans.

Le 28 septembre 1958, 80% des Français ratifient la nouvelle constitution, élaborée sur l’injonction de Charles de Gaulle. La V
ème République est née. Seul, le Parti communiste en tant que force politique, appelle à voter non. Quelques hommes politiques isolés et des intellectuels suivent ce choix. François Mitterrand comme Jean-Paul Sartre en font partie.

Cette constitution, qui sera remaniée à de nombreuses reprises ultérieurement, dans un sens toujours plus autoritaire, donne au Président tous les pouvoirs de décision en matière de politique internationale et de défense. Dans les autres domaines, son autorité est étendue au détriment de celle du Parlement, qui voit ses attributions réduites considérablement. Les députés n’ont plus l’initiative du budget. Le Président devient, selon les propres termes du général de Gaulle, « la clef de voûte » des institutions. Le gouvernement ne fait que « mettre en musique » la partition écrite à l’Elysée. Les élections se jouent en fonction de la personnalité et de l’aura du Président.


Cette personnalisation du pouvoir, mais aussi les conditions dans lesquelles s’est installée la Vème République, font crier « à la dictature » les communistes et les partisans de la démocratie, qui appellent à voter non.


Précisons que le contenu de la nouvelle constitution est conforme dans son esprit aux projets élaborés depuis l’avant-guerre par l’extrême droite qui voulait déjà instaurer « un pouvoir fort » en France.


Mais pourquoi ce changement de régime a-t-il pu voir le jour en 1958 ?


Rappelons brièvement les évènements qui, lors de la décennie précédente, ont conduit à cette rupture politique et à l’abandon du système parlementaire.

Moins de deux ans après la Libération, le capital et les forces politiques à son service, mettent tout en œuvre pour détruire les conquêtes sociales élaborées par le Conseil National de la Résistance et conquises par l’insurrection nationale et populaire.


En 1947, les ministres communistes sont exclus du gouvernement du socialiste Ramadier, sur injonction américaine (des mesures analogues ont lieu en Italie et en Belgique). Pourtant le PCF, force politique essentielle de la Résistance, rassemble environs 25% des suffrages.


Face à la politique antisociale et anticommuniste d’alors, de puissantes grèves paralysent la France à l’automne 1947 et fin 48. L’armée est engagée contre les grévistes qui comptabilisent de nombreux morts et blessés. Les grèves perdurent les années suivantes, parfois sanglantes, souvent d’envergure comme la grève des fonctionnaires du mois d’août 1953.


La même année, une loi d’amnistie blanchit les anciens « Kollabos », alors que les communistes sont l’objet de poursuites pour leurs activités anticolonialistes.


C’est la rupture de classe au sein de la société française.


Cette situation intérieure correspond à la « guerre froide » qui s’instaure en Europe, occupée à l’Ouest par les forces US. Le « plan Marshall », concocté à Washington et approuvé par les bourgeoisies occidentales, vise à établir la domination américaine économique et politique sur les Etats européens. L’Europe est divisée entre l’Ouest et l’Est. Là, la présence de l’Armée rouge victorieuse permet d’établir des régimes hostiles au capitalisme. L’impérialisme cherche d’abord à refouler les Soviétiques, puis à les endiguer derrière ce qu’ils appelleront « le rideau de fer ».


En France, face aux communistes dans l’opposition, les gouvernements dits de « troisième force » (Socialistes, centristes et démocrates chrétiens) s’alignent sur l’Oncle Sam.


Le général de Gaulle quitte le pouvoir en janvier 1946, refusant ce qu’il appelle « le régime des partis ». Il constitue l’année suivante une force politique propre, le RPF (Rassemblement du Peuple Français). Son mouvement connaît un rapide succès, mais périclite peu d’années après. Ce qui conduit de Gaulle à se retirer de la vie politique active, tout en la suivant de très près. Il se mue en recours.


En décembre 1947, en Indochine, pour permettre à la métropole de reconquérir « ses colonies », le gouvernement français  commence des opérations militaires contre Ho Chi Minh et le pouvoir populaire du Vietminh. La guerre durera près de sept ans. Le désastre de l’armée française à Dien Bien Phu  conduit à ouvrir des négociations. L’accord de Genève, en mai 1954, reconnaît l’indépendance du Nord Vietnam.


Cependant, six mois plus tard, une nouvelle guerre coloniale débute, le 1er novembre 1954, en Algérie.


En 1958, elle se poursuit depuis déjà quatre ans.


L’opposition populaire que cette guerre suscite en France après l’envoi du contingent en 1956 par le gouvernement de Guy Mollet, les échecs militaires, le prix à payer pour ce conflit, tout concourt à créer une crise d’abord latente, puis ouverte au sein de la société française. Les gouvernements se succèdent sans apporter de solution.


Une frange de l’opinion, en écho avec les organisations ultra d’Algérie, réclame « un pouvoir fort » qui « mette le paquet » pour conserver « l’Algérie française ». Les gros colons attisent le feu. Des secteurs de l’armée, les « paras » en premier lieu, font cause commune. Les uns et les autres ne cachent pas leur hostilité à la République.


Dans ce climat de guerre civile, une manifestation dégénère à Alger le 13 mai 1958. Le Gouvernement général est pris d’assaut. Un groupe de conjurés se réclamant de de Gaulle, des éléments ouvertement fascistes et des officiers supérieurs se constituent en « Comité de salut public ». Celui-ci adresse un ultimatum au gouvernement de Paris : le général de Gaulle est appelé au pouvoir ou les paras investissent la capitale. Les politiciens s’affolent. Ils font appel à « l’homme providentiel ».


Le 1
er Juin, le président de la République, René Coty, désigne Charles de Gaulle pour former le nouveau gouvernement. De Gaulle met une condition à son accord : la mise en chantier d’une nouvelle constitution qui lui octroie l’essentiel des pouvoirs.

Celle-ci sera donc adoptée le 28 septembre par la grande majorité des Français.


En fait, le changement des institutions correspond aux besoins des forces économiques (ce que le PCF appelle alors le « capitalisme monopoliste d’Etat »), dont le développement au sein de l’hexagone et au-delà, nécessite un « pouvoir fort » et concentré, libéré de l’incertitude des votes parlementaires et à l’abri de la contestation populaire.

Ce processus n’est donc pas sans rappeler la fin de la IIIème République, le 10 juillet 40
et la mise en place de l’Etat français, certes dans des conditions totalement différentes, mais avec le même souci de liquider la démocratie.

Aujourd’hui, les efforts déployés par le pouvoir pour « réformer » nos institutions dans un sens encore plus autoritaire, plus policier, manipulant l’opinion et disposant de l’essentiel de l‘information, ne résultent-ils pas d’une volonté identique de museler le peuple ? Car celui-ci est soumis toujours plus à une exploitation impitoyable du fait de la crise grandissante du capital. Il faut donc que celui-ci se protège de colères que l’on sent poindre en cette fin d’année 2008.


Article de Jean LEVY sur son blog :
http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-23260392.html

Publié dans Histoire

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