Régulation, piège à…

Publié le par Jihad WACHILL

Le matin les banquiers, l’après-midi les patrons européens… Nicolas Sarkozy consulte ses amis et s’emploie à les rassurer. On est loin désormais des déclarations lénifiantes de Mme Lagarde qui assurait que la France serait protégée des désordres économiques, à la manière des bons apôtres qui prétendaient que le nuage de Tchernobyl s’arrêterait à nos frontières. Le gouvernement annonce désormais du sang et des larmes pour la France, du travail et des cadeaux pour celle des actions et des rentes. Quel constat d’impuissance pour un homme qui, candidat, promettait que la politique s’imposerait aux boursicoteurs de la planète et qui jurait qu’il irait chercher un point de croissance avec les dents ! Sans doute est-il trop resté bouche bée devant ses amis fortunés, leurs yachts raffinés et leurs vacances dorées. Toujours est-il qu’il entonne le grand air de la « régulation » sans la moindre écoute des marchés.

Le mot réapparaît échappé de la bulle financière. Les mêmes hommes politiques et les mêmes patrons, qui s’efforcent de donner force de loi - notamment par le traité de Lisbonne - à la dérégulation, au marché libre et sans entrave, à l’interdiction de toute entrave à la valse des capitaux, brandissent soudainement une morale brumeuse et des règles imaginaires, comme autant de sabres de bois face à la crise. L’indignation est de rigueur, oserait-on dire, quand les parachutes dorés sont mis à l’index et les paradis fiscaux dénoncés. Les uns comme les autres sont fort coupables, mais qui serait assez crédule pour y voir l’origine des ravages d’aujourd’hui ? La crise ne naît pas de l’activité enfiévrée d’un trader fou, ni de l’appétit d’un seul patron-voyou. Elle est le fruit du système même, de sa logique qui vise à créer un profit maximum, quitte à détruire de l’activité utile, à échafauder de nouveaux marchés sur l’endettement de salariés à qui on refuse de meilleurs salaires, à briser des services utiles considérés comme des progrès de l’humanité. Le capitalisme à son apogée.

Son fonctionnement heurte de plein fouet des champs entiers qui fondent notre civilisation, engendre des barbaries économiques menaçantes pour les individus et dangereuses pour la survie de la planète. C’est le coeur du système qui bat la breloque. Terrible défi qui condamne les grandes voix de la régulation sociale-démocrate au silence, à l’alignement derrière les prêcheurs d’austérité ou aux bricolages de circonstance. La gauche est au pied du mur de la mondialisation capitaliste, sommée de dépasser l’impasse gestionnaire ou la gesticulation de qui prétend mettre d’une chiquenaude « le capitalisme à la poubelle ». Le chantier pour imaginer un autre monde qui dépasse et surpasse les limites de celui que nous vivons doit s’accélérer. Sinon, bonjour les dégâts !

Si Nicolas Sarkozy n’a pas les mêmes ambitions, son discours prend l’eau de toutes parts. Son modèle ? La présidence américaine qui, croyait-il la semaine passée, sait réagir vite et bien à la crise économique. Ni George W. Bush ni Nicolas Sarkozy ne pensaient que l’homme de la rue (« Main Street ») puisse déranger les plans de Wall Street qui voulait infliger une double peine au peuple américain : les ravages des subprimes et l’argent des contribuables accaparé pour éponger les dettes. Le projet Paulson est toujours sur la table, mais il n’est pas encore adopté, tandis qu’à l’Élysée, c’est le même schéma qui est en préparation. Les fonds publics - refusés à l’école, aux banlieues ou à l’emploi - seraient déversés pour éponger les pertes des groupes bancaires et redresser les constructions financières d’actionnaires ou d’établissements pressés de ramasser le paquet sur le dos des activités productives. Premier exemple avec Dexia. D’autres sont à l’oeuvre à l’échelle européenne… 170 milliards d’euros sont déjà débloqués par la BCE. Au lieu que soient mises en place des structures bancaires et financières publiques, susceptiblesde financer des investissements utiles, des sommes folles sont déversées pour relancer demain de nouvelles spéculations et allumer la mèche de nouvelles bombes.

L'éditorial de l'Humanité du 1er octobre 2008 par Patrick APEL-MULLER

Publié dans France - Eco-Social

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