Il faut supprimer le bouclier fiscal

Publié le par Jihad WACHILL

Depuis deux semaines, le chef de l’État lance des piques contre les spéculateurs. Mais il a fait voter un bouclier fiscal qui leur permet d’agir en toute impunité.

Nicolas Sarkozy a fait savoir voilà une semaine qu’il souhaitait très rapidement l’adoption d’un texte encadrant le système des parachutes dorés. Depuis, Laurence Parisot y est allée de son couplet, promettant même de changer suffisamment de choses pour que rien ne change. Ni la présidente du MEDEF ni le président de la République ne remettent en cause le bouclier fiscal qui - assure à chaque spéculateur - vivant en France le bénéfice de 50 % de ses gains après impôts, quelle que soit la manière de faire de l’argent… Qu’importe que le système crée des inégalités, qu’il ait « démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés de l’immobilier, des matières premières et des produits agricoles », ainsi que le dénonçait le chef de l’État le 25 septembre à Toulon.

Certes, le bouclier fiscal voté durant l’été 2007 n’a pas enclenché la crise. Mais il alimente et accentue les mêmes effets pervers dans notre pays. Ce texte assure une impunité totale à ceux et celles que l’on incite à s’octroyer toujours plus de rémunérations dans les conseils d’administration. Le bouclier - fiscal fonctionne comme un pousse-au-crime. En sanctuarisant 50 % de la rémunération d’un ménage vis-à-vis de l’impôt progressif, il incite les chefs d’entreprise et les administrateurs de sociétés à privilégier les bénéfices à court terme et les augmentations de rémunérations d’une caste de décideurs privilégiés au détriment de tous ceux et celles dont le travail enrichit l’entreprise.

Le bouclier fiscal incite aussi à gonfler les parachutes dorés dans la mesure où l’heureux parachutiste s’assure en tout état de cause la moitié de la somme qu’il se fait attribuer au moment de quitter l’entreprise qu’il a souvent pillée. Le bouclier fiscal pousse aussi à l’irresponsabilité tous les Jérôme Kerviel du marché boursier puisqu’il leur garantit également la sanctuarisation de 50 % de leurs « gains », quelle que soit la manière dont ils sont acquis. Le bouclier fiscal pousse encore les chefs d’entreprise à rechercher « des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l’économie réelle », que dénonçait Nicolas Sarkozy à Toulon. Ils le font à coups de délocalisations et de pression sur les salaires du plus grand nombre. Ce sont même ces « rendements » qui serviront de justificatifs pour licencier afin de relever les taux de profits qui, à leur tour, justifieront les rémunérations mirobolantes des dirigeants d’entreprise et dont la moitié échappera toujours à l’impôt. Nicolas Sarkozy fustige les spéculateurs auxquels il a fourni un blindage gratuit l’an dernier afin de consolider des fortunes de plus en plus mal acquises. Le chef de l’État fait mine de découvrir que le privilège qu’il assure aux nantis « a démoralisé les classes moyennes » et renchérit le coût de la vie pour des milliards d’humains quand la spéculation s’est portée sur « des matières premières et des produits agricoles ».

Gérard LE PUILL dans l'Humanité du 9 octobre 2008

Publié dans France - Eco-Social

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