Robert R. BRYAN : « Mumia Abu-Jamal est à 100 % un prisonnier politique »

Publié le par Jihad WACHILL

États-Unis : À l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort et de la sortie en France d’un film sur le journaliste noir américain. Entretien avec Robert R. BRYAN, son avocat.

Me Robert R. Bryan, l’avocat de Mumia Abu-Jamal, accompagné de Claude Guillaumaud-Pujol (1) et de Jacky Hortaux, responsable du collectif unitaire français de soutien (2) à Mumia regroupant plus de quatre-vingts organisations, a rendu visite au nouveau siège de l’Humanité à Saint-Denis à l’occasion de son séjour en France. Il participe à la Journée mondiale contre la peine de mort aujourd’hui à Lyon. Il a saisi cette occasion pour répondre à nos questions.

Quelle est actuellement la situation de Mumia ?

Me Robert R. Bryan
. Mumia Abu-Jamal se trouve toujours dans le couloir de la mort. Et cela fait aujourd’hui plus de vingt-cinq ans que cela dure. Accusé d’avoir tué un policier à Philadelphie (Pennsylvanie) le 9 décembre 1981, il a été jugé coupable en 1982. Il a été mal défendu. Il n’y a pas eu d’enquête. Il a été victime du racisme. En 1983, il a été condamné à mort. Le même jury qui avait décidé de sa culpabilité a prononcé la sentence capitale.

Il survit dans une petite cellule, 23 heures sur 24 avec une sortie quotidienne d’une heure dans une cage. Pour écrire ses chroniques et les cinq livres dont il est l’auteur, il n’a que son stylo et des feuilles de papier.

Voilà un homme jugé au cours du plus grand procès dans l’une des plus grandes villes des États-Unis. Et pourtant, il n’avait pas les moyens nécessaires de se défendre, de faire procéder à des enquêtes ou de payer les services d’experts (aux États-Unis, c’est, dans les faits, à l’accusé d’apporter les preuves de son innocence dans un rapport de force formel d’égalité entre la puissance publique accusatrice, avec tous ses moyens légaux, et l’accusé - NDLR). L’assistance judiciaire réglementaire s’élevait alors à 150 dollars.

Le procès était présidé par un juge raciste. Durant le procès, celui-ci a qualifié Mumia de « nigger », le terme le plus répréhensible en anglais pour qualifier des gens à la peau noire. La salle d’audience était remplie de policiers armés.

La décision de la Cour fédérale, le printemps dernier, a-t-elle une logique ?

Me Robert R. Bryan
. Le troisième circuit de la Cour d’appel fédérale a refusé, le 27 mars dernier, le droit à un nouveau procès, mais a accordé une nouvelle procédure avec un nouveau jury pour choisir entre la peine de mort et la prison à vie jusqu’à ce que mort s’ensuive. Même si d’une certaine manière ils ont été conduits à reconnaître que le procès était injuste, j’ai été très choqué par cette décision. Nous allons maintenant porter l’affaire devant la Cour suprême des États-Unis au titre de la question fondamentale du racisme qui a présidé à la sélection du jury. Les cours des États-Unis ont considéré que ceci porte atteinte à la Constitution. J’ai demandé à la Cour suprême, le 3 octobre, un délai de soixante jours pour présenter mes conclusions. J’espère une réponse favorable. D’autant plus que la décision de la Cour d’appel fédérale a été prise par deux juges contre un, ce dernier, un conservateur, soutenant notre position en faveur d’un nouveau procès avec un nouveau jury.

Diriez-vous que Mumia est un prisonnier politique ?

Me Robert R. Bryan
. Il l’est à cent pour cent. S’il n’y avait eu ses choix politiques, celui d’être le porte-parole des sans- voix, la couleur de sa peau, il ne serait pas dans le couloir de la mort. Il est absolument certain qu’il n’aurait pas été condamné. On ne peut séparer la question politique des problèmes juridiques, ils sont imbriqués. Bien avant son arrestation, Mumia était connu comme la voix des sans-voix. Il se battait contre la corruption de la police et celle-ci l’avait prévenu « un de ces jours, on t’aura ». Mumia est devenu le symbole mondial du combat contre la peine de mort.

La mobilisation populaire est essentielle dans notre bataille. À l’image de ces gens qui chaque mercredi soir à 18 heures, depuis 1995, se retrouvent à l’appel du collectif unitaire devant l’ambassade des États-Unis, place de la Concorde, à Paris.

Au nom de Mumia, je tiens à remercier les lecteurs de l’Humanité pour leur solidarité. Et j’estime, avec lui, que ce que font l’Humanité et ses lecteurs pour sa cause et celle de l’abolition de la peine de mort est l’expression d’une puissante passion pour la justice, pour les droits de l’homme et pour la liberté.

Entretien réalisé par Michel MULLER et paru dans l'Humanité du 10 octobre 2008

(1) Auteure de l’ouvrage Mumia Abu-Jamal. Un homme libre dans le couloir de la mort, Éditions le Temps des Cerises.

(2) 43, boulevard de Magenta, 75010 Paris. www.mumiabujamal.net.

Publié dans Amérique du Nord

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