Polémique autour d'un mariage annulé car l'épouse a menti sur sa virginité
Le tribunal de grande instance de Lille a annulé en avril un mariage entre musulmans "pour erreur sur les qualités essentielles" de la conjointe car celle-ci avait menti sur sa virginité. Une affaire découverte grâce au commentaire qui en a été fait en mai dans une revue juridique, le Recueil Dalloz.
Alors que sa fiancée lui avait affirmé qu’elle était chaste, une valeur essentielle pour lui, l’homme avait découvert le soir de leurs noces, le 8 juillet 2006, qu’elle ne l’était pas. Le père de l’époux aurait alors ramené la jeune femme chez ses parents, estimant sa famille "déshonorée". Le mari, un ingénieur d’une trentaine d’années, avait décidé dès le lendemain de se séparer de son épouse et l’avait assignée en justice le 26 juillet 2006.
Le tribunal a annulé l’union, estimant que l’époux l’avait conclue "sous l’empire d’une erreur objective" qui "était déterminante dans son consentement".
Une décision basée sur le Code civil
Une décision basée sur l’article 180 du code civil, qui stipule que "s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage" dans un délai de cinq ans.
Le jugement est "parfaitement logique" car "l’épouse a reconnu qu’elle avait menti", a estimé l’avocat du mari, Me Labbée, en précisant que la question de la religion n’était "pas essentielle".
La Chancellerie a indiqué n’avoir "pas le souvenir" d’une annulation pour mensonge sur la virginité, même si les annulations pour mensonges sur "des éléments de personnalité" d’un des conjoints sont loin d’être rares. Parmi ces "erreurs" figurent essentiellement la découverte après le mariage que le conjoint est divorcé, qu’il a menti sur sa nationalité, qu’il fait l’objet d’une mesure de curatelle ou qu’il n’est pas apte à avoir des relations sexuelles normales, a précisé un porte-parole du ministère de la Justice.
Selon Me Labbée, "l’exemple traditionnel" donné aux étudiants en droit est celui d’une femme qui ignorait que son mari était un ancien bagnard. "C’est le fameux arrêt Berthon, qui date de 1868", a-t-il rappelé.
"Très inquiète" de ce jugement, la philosophe Elisabeth Badinter a estimé qu’il aboutissait "à faire courir nombre de jeunes filles musulmanes dans les hôpitaux pour se faire refaire l’hymen". "J’ai honte que la justice française n’ait pas pris à cœur de défendre toutes ces jeunes filles" mais ait ainsi "accentué la pression sur elles".
Pour le vice-président du conseil régional Nord-pas-de-Calais du culte musulman Abdelkader Assouedj (Grande mosquée de Paris), l’islam n’exige pas que l’épouse soit vierge et des musulmans peuvent s’ils le souhaitent épouser des femmes divorcées déjà mères. Ce qui pose problème c’est que "cette dame a caché des choses. C’est un mariage basé sur le mensonge. C’est pour cela que la justice a tranché, ce n’est pas par rapport à la religion".
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Actus humanite.fr 29-05-2008