Marco DOMICH : « La victoire de MORALES doit amener un changement de cap »

Publié le par Jihad WACHILL

Bolivie : A la veille du référendum révocatoire des mandats du président et des préfets régionaux, Marco DOMICH, secrétaire du Parti communiste bolivien, analyse la situation du pays.

Correspondance particulière.


Dans quelle situation politique et sociale se déroule le processus électoral ?

Marcos Domich
. La tension politique est extrême et dérive sur une crise sociale qui jouit d’une certaine légitimité. Ce n’est pas un hasard que cette double tension se soit aiguisée lors des dix derniers jours précédant le référendum. La droite n’aurait jamais eu recours au référendum sauf si elle avait été sûre de battre un gouvernement progressiste qui objectivement affecte ses intérêts. Et elle ne recourrait pas, étant au pouvoir, à ce qui pour elle équivaudrait à un suicide. Le référendum populaire a acquis un statut constitutionnel grâce à la pression populaire, sous le gouvernement de Gonzalo Sanchez de Losada, afin de s’opposer à la vente du gaz aux États-Unis par le biais des multinationales. En fin d’année 2007, Evo Morales proposa le référendum révocatoire qui fut adopté par la Chambre des députés où le MAS (Mouvement vers le socialisme) est majoritaire, mais le Sénat, où domine la droite, bloqua le projet. Jusqu’à ce que, une nuit de libations, Podemos, le parti de l’ex-président Jorge Quiroga, en pleine euphorie et avec la certitude de « battre l’Indien », accepta la tenue du référendum. Le président releva le gant, provoquant un véritable tremblement de terre à droite.

Vous parlez de tension…

Marcos Domich
. La droite, se sachant battue, a multiplié les prétextes et les pièges, incluant brigades fascisantes, pour éviter la consultation. La droite a même incité certaines luttes sociales. La Centrale ouvrière bolivienne (COB), affaiblie, a posé comme priorité une loi de pensions qui annule la précédente reposant sur les fonds de pension privés. À droite, les comités civiques ont entamé des grèves de la faim pour exiger qu’une partie des fonds tirés des impôts directs sur les hydrocarbures qui financent la pension vieillesse soit rendue aux départements. Cette tension peut conduire à un boycott du processus ou à tout le moins à ce qu’il ne puisse se mener dans toute sa dimension numérique et territoriale. Le 10 août ne sera pas la « mère des batailles ». Celle-là viendra après. Quand la droite exhibera ses arguments pour nier le succès d’Evo Morales et l’appui qu’il aura obtenu pour les avancées sociales. À gauche, on espère que la victoire amènera le changement de cap nécessaire pour corriger les erreurs et défauts de gestion du gouvernement populaire.

Comment s’expliquent les actions quasi coordonnées de secteurs aussi opposés que la COB et Podemos ?

Marcos Domich
. Il n’existe aucun doute sur l’infiltration dans les syndicats d’agents rémunérés par les organes d’espionnage étrangers. Il est également des dirigeants syndicaux disqualifiés qui réussissent, grâce à un discours radical, à s’imposer dans un cadre syndical rajeuni et touché par les effets du néolibéralisme et qui n’a pas récupéré les traditions révolutionnaires de classe. Cependant, l’influence des convulsions actuelles ne devrait pas avoir grande influence sur le résultat du référendum : la carte politique est bien tracée et indique une prédominance des forces populaires.

Comment se projette le futur immédiat ?

Marcos Domich. La sortie de cette longue crise ne pourra pas être immédiate. On ne peut ignorer qu’elle est multiple et dure depuis des années. Sur le plan économique, la crise ne pourra pas se résoudre dans la seule Bolivie, petit pays immergé dans l’économie mondiale au moment où l’économie capitaliste mondiale traverse une grave crise. Mais, en définitive, la solution, ici, passe par la défaite d’un des pôles. Qui vaincra ? Nous pensons, non par optimisme feint ou naïveté, que cette bataille sera gagnée par le peuple bolivien. Ce sera fort dur, il y aura encore beaucoup de sacrifices et de sang versé. Nous ne le souhaitons pas, mais une bonne cause exige qu’on comprenne les choses telles qu’elles sont. La bataille en Bolivie fait partie d’une bataille plus grande : celle que livre toute l’Amérique latine, l’avancée des peuples qui la forment, de ce mouvement qui fait sortir de ses gonds l’impérialisme.

Entretien réalisé par Gérard DEVIENNE et paru dans l'Humanité du 8 août 2008

Publié dans Amérique latine

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