Arnaud FAUCON : « L’augmentation des prix de GDF est une provocation »

Publié le par Jihad WACHILL

inflation : Pour Arnaud FAUCON, de l’Indecosa CGT, association de défense des consommateurs, « toute la société est touchée ». Entretien.

Le gouvernement vient d’accepter mercredi une hausse de 2 % du tarif de l’électricité et de 5 % du prix du gaz. Comment réagissez-vous à cette nouvelle augmentation, la troisième en un an ?

Arnaud Faucon. Cette hausse n’est pour l’instant qu’une prévision. La Commission de régulation de l’énergie, au rôle consultatif, a été saisie à ce sujet. Mais il est vrai qu’elle va rarement à l’encontre des augmentations. C’est un projet auquel s’oppose l’Indecosa : ce n’est pas correct à un moment où une grande partie des ménages français font des efforts d’ingéniosité pour boucler leurs fins de mois. Après de telles augmentations, la situation devient ingérable, y compris pour les classes moyennes. Et le problème est là : c’est l’ensemble de la société qui est touché.

Y a-t-il pour vous un lien avec la fusion récente de GDF-Suez ?

Arnaud Faucon. Le gouvernement fait en effet un geste en faveur des actionnaires de la nouvelle entité GDF-Suez. Mais ce n’est qu’une partie du problème : ce sont les entreprises elles-mêmes qui sollicitent le gouvernement. Par exemple, Pierre Gadonneix, le président d’EDF, demande ces augmentations dans le but de rendre possibles des investissements. Mais les investissements ne sont pas visibles : l’état des barrages en France le montre. L’autre argument pour expliquer ces hausses est le grand épouvantail du pétrole. En réalité, le fait d’aligner les tarifs du gaz sur ceux du pétrole relève d’une volonté politique qui date de deux, trois ans. À l’origine, cet alignement ne se faisait pas, pour permettre justement de contenir les augmentations. Tout cela est orchestré : techniquement, ce sont les financiers qui tirent les ficelles.

Selon vous, une telle augmentation pour le consommateur aurait-elle pu être évitée ?

Arnaud Faucon. Je pense qu’elle était évitable. C’est toute la problématique de la répartition des richesses : les entreprises du domaine énergétique se portent bien. Cette année encore, les chiffres des bénéfices d’EDF et de GDF sont conséquents. Mais ils redemandent de l’argent. Il y a certes des secteurs qui ont connu des pertes, mais ils n’en restent pas moins archi-bénéficiaires. C’est là où ça ne tient pas la route. Dans un pays où le terme de « pouvoir d’achat » est à la mode, c’est une provocation. Et le fait de parler de ces augmentations à la mi-août relève de la stratégie : vouloir contrecarrer toute opposition sociale.

Que pensez-vous de la mesure du gouvernement visant à élargir les tarifs sociaux permettant aux foyers les plus modestes de profiter d’une réduction de leur facture énergétique ?

Arnaud Faucon. Il s’agit d’une mesure en conformité avec les textes européens. La mise en place d’une tarification sociale dans ce domaine-là existait déjà dans le cadre de la convention pauvreté-précarité. À l’Indecosa, nous sommes effectivement d’accord avec une tarification sociale, puisqu’elle se fait en faveur des plus fragiles d’entre nous. Mais cette aide sera financée uniquement par le consommateur : depuis plusieurs années, les entreprises se sont fait exonérer de la contribution au service de l’énergie. Le décalage est grand avec certains de nos partenaires européens. Même Gordon Brown en Angleterre, dans un pays qui n’est pas souvent caractérisé comme « social », envisage une taxation sur les plus-values des entreprises de matières premières énergétiques. C’est assez hallucinant de voir qu’on nous demande de répondre aux demandes du marché européen, sans mettre également à contribution ceux qui y gagnent de l.

Entretien réalisé par Claire DODEMAN et paru dans l'Humanité du 8 août 2008

Publié dans France - Entreprises

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