Le boulet de douze mois de réformes libérales

Publié le par Jihad WACHILL

L’ensemble des mesures prises depuis un an ont contribué à affaiblir les ressorts indispensables pour enrayer la récession.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin… À entendre le premier ministre, il n’y aurait, face à la récession, pratiquement rien à faire, sinon attendre de cueillir les fruits forcément bénéfiques des réformes engagées depuis un an. Des mesures qui, en réalité, à bien y regarder, laissent la France et les Français affaiblis et moins bien armés.

Paquet fiscal : la faute à 12 milliards d’euros

« Les caisses sont vides », va répétant depuis des mois François Fillon pour couper court à toute revendication sociale, dissuader toute idée de relance par un soutien public aux ménages. On mesure, aujourd’hui plus que jamais, l’ampleur de la faute par laquelle Nicolas Sarkozy a inauguré son mandat. Pour l’essentiel constitué de mesures à l’avantage des foyers les plus favorisés (quasi-suppression des droits sur les grosses successions, bouclier fiscal, crédit d’impôt immobilier, etc.), la loi TEPA, ou paquet fiscal, creuse un trou de 12,5 milliards d’euros cette année dans le budget de l’État. Autant de moyens qui manqueraient cruellement si le gouvernement décidait, à l’inverse, de soutenir le pouvoir d’achat des catégories populaires, moteur le plus sûr de la croissance, en relevant les prestations sociales (allocations familiales, allocation de rentrée scolaire) ou en instaurant un réel dispositif d’aide au transport pour atténuer l’impact de la flambée des carburants. Ce paquet « a épuisé nos dernières marges de manoeuvre », constate l’économiste Nicolas Bouzou.

35 heures supprimées : le travail dévalorisé


En adoptant la loi sur le temps de travail en juillet, le gouvernement et sa majorité UMP n’ont pas seulement détricoté les 35 heures et accordé au patronat toute la flexibilité qu’il réclamait : ils ont donné aux entreprises la latitude de faire travailler plus - beaucoup plus - leurs salariés sans forcément les payer plus. Le forfait des cadres, par exemple, est porté de 218 jours par an à 235, voire 282 par voie de négociation avec l’employeur ; ils seront payés seulement 10 % de plus à compter du 219e jour. Mesurable avant tout par le niveau des salaires, la valeur travail, dont Sarkozy et son équipe ont toujours plein la bouche, n’a, dans les faits, pas été relevée. Elle a même reculé sous les coups de boutoir de l’inflation : selon l’INSEE, le salaire mensuel de base a progressé de 3,1 % de juin 2007 à juin 2008, contre 3,5 % pour les prix. Au-delà de quelques rodomontades, le gouvernement s’est montré impuissant à convaincre les entreprises - dont beaucoup sont pourtant gorgées de profits - d’augmenter les salaires. Quant aux rémunérations des fonctionnaires, il a choisi délibérément de les laisser continuer à perdre du pouvoir d’achat en se contentant d’accorder une hausse de 0,8 % du point d’indice pour 2008.

Prix : tout bénef pour la grande distribution

La loi sur la modernisation de l’économie (LME), votée le mois dernier, était censée traduire en actes l’offensive verbale lancée par le président pour la baisse des prix à la consommation. En vérité, davantage que les consommateurs, grandes surfaces et centrales d’achat devraient en sortir grandes gagnantes. Les premières ont gagné la liberté d’installation de magasins de 300 à 1 000 mètres carrés. Les secondes, une totale liberté de négociation des prix avec les fournisseurs. Les agriculteurs mais aussi les petites entreprises redoutent un nouvel écrasement de leurs revenus. Michel-Édouard Leclerc est comblé. Les consommateurs, eux, peuvent attendre une baisse des étiquettes. Au passif du gouvernement, il faut encore ajouter la hausse coup de matraque du tarif du gaz (+ 14,5 % depuis le début de l’année), concomitante avec la privatisation de GDF, et le renchérissement du coût de la santé avec les franchises médicales…

Logement : Boutin attaque le social

Le logement est l’un des postes de dépenses qui ont le plus gonflé dans le budget des ménages ces dernières années, pesant d’autant sur le pouvoir d’achat. Au lieu de s’employer à favoriser l’accès au secteur social, le projet concocté par la ministre Christine Boutin, validé par le gouvernement le mois dernier (soumis au Parlement en octobre), met des bâtons dans les roues. La loi SRU risque en effet d’être vidée de son sens par une disposition qui intègre l’« accession sociale » à la propriété au quota de 20 % de logement social imposé aux communes. L’effort pour les HLM est clairement freiné. Quant aux locataires du parc social dont les ressources dépassent de 20 % le plafond, gare à eux : un surloyer leur sera appliqué dès 2009. Par ailleurs, les Français sont incités, par une série de mesures, à devenir propriétaires. Autrement dit à s’endetter, au moment où les banques font payer la facture de la crise des subprimes en renchérissant le coût du crédit.

RGPP : dépenses publiques asphyxiées

Ce pourrait être un puissant ressort pour relancer l’activité, mais le gouvernement a décrété que c’était un handicap : avec la RGPP, il a mis en branle une machine à tailler sans retenue dans les dépenses publiques. Armée, école, santé…, rien n’est épargné. Symbole du véritable contresens fait par l’équipe au pouvoir avec ses réformes ultralibérales, elle s’en prend, avec une hargne inégalée, aux services et infrastructures publics alors qu’ils sont non seulement gages d’égalité et de justice, mais points d’appui solides pour l’économie.

Yves HOUSSON dans l'Humanité du 19 août 2008

Publié dans France - Eco-Social

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E
12 mois de réformes libérales !<br /> <br /> Ravi d'apprendre que sous Chirac-Raffarin-Villepin notre beau pays connaissait le collectivisme.<br /> Sans parler de Jospin & Cie…
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