Vincent DREZET : « La tendance à favoriser les revenus financiers n’est pas inversée »

Publié le par Jihad WACHILL

Pour Vincent DREZET, du Syndicat national unifié des impôts, cette taxe est une goutte d’eau au regard des avantages accordés par la fiscalité de l’épargne.

Qui sont les bénéficiaires de ces revenus du capital promis à une taxation supplémentaire pour financer le RSA ?


Vincent Drezet. Les revenus des placements financiers, notamment les dividendes d’actions, sont plutôt concentrés sur la classe aisée, les 10 % des ménages les plus riches, même si on constate que le portefeuille des classes moyennes augmente au fil des ans. Pour les revenus fonciers, on retrouve une grande concentration, sur les mêmes 10 % les plus riches, avec là aussi quelques exceptions : des gens des classes moyennes qui ont un studio, ou ont hérité d’un bien, et le mettent en location. Mais parmi tous ceux qui ont un revenu foncier, il n’y en a que 1 % pour qui c’est le revenu principal. Pour 99 %, cela ne constitue qu’un revenu accessoire. Pour l’assurance vie, c’est différent. Il s’agit d’un produit d’épargne populaire très prisé. C’est le placement du bon père de famille qui veut se constituer un petit complément pour la retraite.

Comment appréciez-vous l’annonce d’une augmentation de 1 % de la fiscalité sur ces revenus ?


Vincent Drezet. Il faut voir les évolutions récentes de la fiscalité de l’épargne. Les revenus financiers ont pratiquement tous été sortis de l’imposition progressive : entre les prélèvements sociaux et le taux proportionnel, ils sont, de fait, imposés à 27 %. Pour quelqu’un qui a des revenus d’activité imposés au taux marginal (le plus élevé) de 40 %, c’est donc avantageux d’avoir des revenus financiers.

La tendance lourde de l’impôt en France, c’est que le barème progressif (mode d’imposition le plus juste - NDLR) s’applique essentiellement aux revenus d’activité, de type salaire. Mais les revenus de placement, de patrimoine, dans leur majorité, ne sont plus imposés au barème progressif. Pour les plus-values, les dividendes, etc., on a multiplié l’imposition proportionnelle. La tendance est donc d’imposer de moins en moins les revenus financiers.

Il ne faudrait pas que les gens se disent : avec cette nouvelle taxe (pour financer le RSA), on va inverser l’évolution. Prenez les chiffres : on attend 1,5 milliard d’euros de cette taxe, c’est inférieur aux allégements sur les donations, les successions, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et au « bouclier fiscal » décidés dans le « paquet fiscal » de 2007. Si on prend tous les allégements, notamment depuis 2000, toutes les mesures dérogatoires (sur les taux, et sur l’assiette, avec les niches fiscales, les abattements), la tendance a été incomparablement plus rentable que cette légère correction partielle, que je qualifie de positivement étonnante. Positive, parce qu’on préfère cette taxe-là à une diminution de la PPE, même si celle-ci n’est pas exempte de critiques. Étonnante, parce qu’au regard des évolutions récentes et de ce qu’on nous annonce pour la suite, ça reste une goutte d’eau.

Plutôt que d’inventer des taxes ici et là, il faudrait commencer à supprimer des niches fiscales et remettre dans le barème progressif de l’impôt, les revenus qui y échappent, notamment les revenus financiers. Il faut savoir qu’avec l’ensemble des niches fiscales appliquées à la fiscalité de l’épargne, l’État se prive de plus de 13 milliards d’euros par an…

Propos recueillis par Yves HOUSSON et parus dans l'Humanité du 29 août 2008

Publié dans France - Eco-Social

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