Inde : Un accord nucléaire à haut risque

Publié le par Jihad WACHILL

Inde - États-Unis : Le pacte sur la coopération nucléaire entre Delhi et Washington ébranle le gouvernement de Manoman Singh et l’ensemble de la région.

Le feu vert donné samedi à Vienne par le Groupe des 45 pays fournisseurs nucléaires (NSG), qui contrôle l’exportation de ces technologies dans le monde, à l’accord de coopération dans le nucléaire civil entre Washington et New Delhi, est lourd de menace pour le géant asiatique et la région. Il est sûr que l’Inde avec son milliard d’habitants a, comme la Chine, des besoins énergétiques colossaux, vu son taux de croissance économique (8 %) et sa dépendance aux produits pétroliers, dont elle importe 70 % de sa consommation. Mais le pacte passé en 2005 avec les États-Unis permettant - si le Congrès le ratifie définitivement - de lui vendre des centrales atomiques civiles, a aussi une tout autre portée aux yeux de Washington. À savoir renforcer son poids et son influence dans une zone où les États-Unis sont de plus en plus contestés depuis leur intervention en Afghanistan par le biais d’un partenariat stratégique renforcé.

Le fait que Bush ait passé outre les règles internationales en matière de non-prolifération et à la loi américaine interdisant l’exportation de technologies pouvant aider le programme nucléaire d’un pays n’ayant pas ratifié le TNP en dit long sur l’importance que donne la Maison-Blanche à cette coopération. Celle-ci est à haut risque.

Sur le plan intérieur, présenté comme un succès personnel du premier ministre indien Manmohan Singh, ce cadeau américain menace la survie de la coalition gouvernementale dirigée par le Parti du Congrès, mais soutenue par les formations de la gauche communiste. Ces dernières dont le PCI-M (Marxiste) et le PCI, qui disposent de soixante sièges au Parlement, ont retiré leur soutien à la coalition gouvernementale devenue minoritaire.

Le PCI-M estime pour sa part que le traité fait partie d’une entreprise plus large visant à saper l’autonomie de l’Inde en matière de politique étrangère et à subordonner cette politique étrangère aux desseins états-uniens. Pour se maintenir au pouvoir, le gouvernement s’est tourné vers une importante formation régionale, le Samajwadi Party (SP), qui lui apporterait ainsi 39 députés au Parlement. Mais ce soutien reste très hypothétique et le spectre d’élections anticipées (avant la date prévue de 2009) se dessine. Et le mécontentement ambiant est tel qu’une nouvelle victoire n’est pas acquise compte tenu de la dégradation du contexte économique et social. Les grèves se succèdent, certaines ont paralysé le pays plusieurs jours comme celle des transporteurs en juillet et la population a des problèmes de hausse des prix de la nourriture. Dans le nord du pays, la révolte naxalite gagne du terrain et des zones entières échappent au contrôle gouvernemental.

Sur le plan régional, le spectaculaire rapprochement de l’Inde avec Washington ne peut qu’indisposer le Pakistan, qui depuis des mois survit sur un volcan face à une résurgence des extrémistes islamistes. L’attentat meurtrier de juillet à Kaboul contre l’ambassade indienne tout comme les récents affrontements qui ont éclaté au Cachemire indien sont les épisodes les plus marquants de la sourde confrontation régionale. En confirmant publiquement que l’ISI, les services de renseignements pakistanais, ont bien « aidé » les terroristes à organiser l’attaque contre la chancellerie indienne, les services secrets américains ont choisi le risque d’ébranler la stabilité, déjà bien entamée, de la région. Le fragile processus de paix en cours entre Delhi et Islamabad ne semble plus tenir qu’à un fil.

Dominique BARI dans l'Humanité du 10 septembre 2008

Publié dans Asie

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