La mort annoncée de la taxe professionnelle

Publié le par Jihad WACHILL

Le chef de l’État satisfait le MEDEF en exonérant de cet impôt local les nouveaux investissements des entreprises. Un coup porté aux collectivités.

Laurence Parisot l’avait demandé, dans une lettre adressée, pas plus tard que mercredi, au premier ministre : réclamant de nouveaux allégements de « charges » pour les entreprises, au nom du « danger de mort » où se trouveraient certaines entreprises, la présidente du MEDEF estimait que « la suppression de la taxe professionnelle (TP) sur tout nouvel investissement serait immédiatement décisive pour tout le tissu industriel français ». Hier, le chef de l’État lui a donc donné… immédiatement satisfaction. Au premier rang des « mesures exceptionnelles » prises « pour encourager l’investissement des entreprises », Nicolas Sarkozy a annoncé qu’« à partir d’aujourd’hui et jusqu’à la fin de l’année 2009, tous les investissements nouveaux des entreprises seront totalement et définitivement exonérés de taxe professionnelle ». L’État, a-t-il promis, « compensera aux collectivités locales le manque à gagner ». Cette mesure ne serait toutefois qu’un hors-d’oeuvre, en attendant la « réforme des échelons de collectivités locales », promise pour 2009, qui permettra de passer à la « véritable réforme » de la TP.

« C’est la mort programmée de la TP », commentait-on hier, à chaud, à l’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR), où la nouvelle n’a pas vraiment surpris. Dans le collimateur du patronat depuis des années, déjà « réformée » à de nombreuses reprises, en particulier par Dominique Strauss-Kahn et par Jean-Pierre Raffarin, la taxe professionnelle, rare moyen de responsabilisation publique des entreprises, demeure une ressource majeure des collectivités locales (environ 30 milliards d’euros de recettes). L’investissement représente 80 % des bases de cet impôt. La promesse de « compensation » de la nouvelle exonération ne rassure pas. D’autant que le président n’a livré aucune précision sur ses modalités, en se justifiant par le fait que la mesure « n’aura d’impact budgétaire qu’à partir de 2011 ». « Encore une fois on supprime une recette fondamentale sans savoir exactement par quoi on va la remplacer, avec quelle dotation, d’où viendra l’argent », note-t-on à l’ANECR.

recette va plomber un peu plus le climat, déjà lourd, des relations entre collectivités locales et État. Elle survient après la tentative - mise en échec par la protestation de nombreuses villes - d’amputer la dotation de solidarité urbaine (DSU), et alors que la dotation générale de fonctionnement (DGF), versée par l’État en compensation des transferts de charges, n’augmentera en 2009, selon le projet de budget, que de 2 %, soit moins que l’inflation. Enfin, il en va de ce cadeau fait au patronat sans contrepartie comme des autres : rien ne garantit qu’il se convertira effectivement, comme feint de le croire Nicolas Sarkozy, en investissements productifs.

Yves HOUSSON dans l'Humanité du 24 octobre 2008

Publié dans France - Eco-Social

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